La Lettre 50 - page 6

La lettre
istoiredesNeurosciences
n°50
rencontrer. Si tous les produits ont par chance lamême
pente, leurscontributions relativesà l’intensitédunouveau
mélange resteront ce qu’elles étaient et lemélange sera
encoreéquilibré.Cependant, si l’unedessubstancesaune
pentenettementplus fortequecelledesautresconstituants,
sacontribution relativeà l’intensitédumélangeseraaccrueet
laqualitéduparfums’en trouverasansdoutedéséquilibrée.
Laperceptiondesmélangesposed’autresproblèmesque
Zwaardemakeravaitdéjàbien identifiésous lenomde
com-
pensationdesodeurs
. Lemélangedequelquescorpsodo-
rants laisseparfois reconnaîtresesconstituants.Comme les
expériencesdeDavidLaing l’ontmontré, il est rare, cepen-
dant, qu’un observateur, même exercé, reconnaisse plus
de trois ouquatre odeurs dans unmélanged’unedizaine
si toutes les odeurs de la composition sont équilibrées du
point de vuede leur intensité. Lorsque lenombredespro-
duits est encoreplus grand, seule une odeur plus intense
que les autres peut être identifiée, les autres ne sont plus
reconnaissables.
D’abord interprétée implicitement comme une interaction
chimique, cette« lutteentreodorants»qui voit le triomphe
decertainset ladéfaitedesautresa fait l’objetd’uneanalyse
proprement sensorielleparZwaardemaker, suiviparplusieurs
chercheursàuneépoqueplus récente.Àpart descas très
minoritaires où lesmolécules des odorants interagissent
physiquement ou chimiquement, c’est bien au niveaudes
récepteurs ou des voies neurosensorielles que prennent
place lesphénomènesde
compensation
.
Lesquelquesconnaissancesdontnousdisposonsontétéob-
tenuesavecdesmélangesdedeuxconstituants. Laconsta-
tation la plus fréquente est que l’intensité de cemélange
binaire est inférieure à la valeur attendue si les intensités
s’additionnaient simplement.Onparlealorsd’
hypoadditivité
ou de
suppression
. L
’hyperadditivité
existe, mais elle est
beaucoupplus rare. Ajoutonsqu’une foisdeplus leseffets
dépendent non seulement des substances en présence
maiségalementdessujets.Dansquelquescas il aétépos-
sible de prédire l’intensité dumélange comme la somme
vectorielledes intensitésdesesconstituants. L’intensitédu
mélangeest alors traitéecommeune force résultantedans
unparallélogrammedes forces.
Un cas particulier intéressant serait celui d’une substance
qui présenterait une faible odeur par elle-même et serait
capablede réduiresensiblement l’intensitéde l’odeurd’une
autre substance avec laquelle elle serait mélangée. L’effet
serait celui d’unmasquage, utile pour combattre les nui-
sancesolfactives.Denombreuxbrevetsontétédéposés,qui
décrivent leseffetsprétendumentmasquantsdesubstances
pures oudemélanges. Reconnaissons qu’il n’est pas aisé
de reproduirecet effet.
L’adaptationcroisée
L’ouvragedeZwaardemaker inaugure l’abord expérimen-
tal d’un phénomène que connaissent tous les systèmes
sensorielsmais qui est particulièrement prononcédans le
casde l’odorat : c’est lephénomènede
fatigue
sensorielle,
plusconnumaintenant sous lenomd’
adaptation
. Lorsqu’un
ou stimulateurs olfactifs, qui peuvent délivrer des vapeurs
odorantesàconcentrationconnueet reproductible,a toujours
étéet resteunexerciceobligédes laboratoiresd’étudede
l’olfaction.
Lepremier olfactomètre réalisépar Zwaardemaker à la fin
duXIX
e
siècleest ingénieuxet simple.Aucoursdesdécen-
niessuivantes, lesolfactomètresvont êtreperfectionnés.On
introduira enparticulier leprocédédedilutiondynamique
enphasegazeusequi opèreplusieursdilutionssuccessives
d’un flux d’air oud’azotequi entraîne la vapeur odorante.
Grâce aux perfectionnements, lesmesures de seuil vont
semultiplier et cesmesures conduisent àpenser que les
humains sont loindedisposer tous dumême équipement
en récepteursolfactifs.
Lesmesuresdeseuil révèlent aussi uncomportement éton-
nant des sujets d’expérience ; les sujets répondent sou-
ventpositivement alorsqu’ilsn’ont reçuaucunestimulation.
Les
fauxpositifs
paraissent avoirpourorigine l’activitéspon-
tanéedusystèmesensorielqui créeunvéritable
bruitde fond
dans lequel le sujet croit de tempsen temps reconnaître le
signal. Il est doncutilede faireappel aux loisgénéralesde
ladétectiond’un signal dans lebruit et dedéfinir unenou-
vellenotion, cellede
détectabilité
, qui est laprobabilitéde
percevoirplussouventuneodeurenprésencedestimulation
qu’en sonabsence.
La forcedu
stimulus
et l’intensitéperçue
Une autrepréoccupationde l’olfactométrie est de trouver
une expression simple du rapport
entre
le
stimulant
et la
sensation
.Déterminercette fraction,c’estdéterminer leseuil
différentiel encoreappelé
fractiondeWeber.
Le rapportdes
concentrations est voisinde 1,3 engénéral, cequi donne
pour l’olfactionunseuil différentiel sensiblement plusélevé
quecelui desautresmodalités sensorielles.
Pour trouveruneexpressiongénéraledu rapportentre
stimu-
lus
et sensation,c’estencoreversWeberqu’il faut se tourner.
Il aété lepremier à fournir la réponseque lasensationcroît
comme le logarithmede l’excitation.
Des travaux récentsmontrent que l’équationproposéepar
Hill en1913pour rendrecomptede réactionsenzymatiques
est lamieux apte à décrire la totalité de la relation entre
la concentration de l’odeur et l’intensité de la sensation.
Cependant,pourcelui qui nes’intéressepasauxsensations
procurées par les stimulations les plus fortes, la loi propo-
séepar Stevens en 1957 et connue sous le nomde
loi de
puissance
offreunmodèleà la foissuffisamment rigoureux
et d’utilisation simple.
Les loiscachéesde laperceptiondesmélanges
Lesparfumset lesarômessont composésdenombreuses
substanceschimiquesenproportions très variées. Suppo-
sonsqu’uncréateurdeparfumait réussi unecompositionqui
luiparaissebienéquilibrée,qualitativement,maisqu’il trouve
d’intensitéunpeu faible. Il peut souhaiter rendre lacomposi-
tionplus intenseendoublant,parexemple, laconcentration
de tous lesconstituants. Les
pentesdeStevens
permettent
de prédire certaines des difficultés que ce parfumeur va
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