La Lettre 47 - page 22

La lettre
n°47
ouveautés enneurosciences
montrantquesonchienavaitcomprisque lesonde lacloche
annonçait l’arrivéede lanourritureàunmoment donné, les
recherches sur l’estimation temporelle et l’extractionde la
durée chez l’animal se sont particulièrement développées
depuis la fin des années 60, notamment au travers de la
démonstrationde l’importancede la composante tempo-
relledans l’apprentissageet lecontrôledescomportements
temporellementorganisés
(2)
.Cesétudesducomportement
animal ontainsimontréque laplupartdesespècesanimales
(ex. drosophile, poisson, pigeon, souris, rat) apprennent et
utilisent le temps et laduréepour uneadaptationoptimale
de leurscomportements.
En revanche, concernant l’étude des bases neurobiolo-
giquesde la représentationdu temps, l’essor aétéunpeu
plus tardif.Cependant, ledéveloppement récentd’outils tels
que l’imagerie fonctionnelle (IRMf), ou lamagnéto-encé-
phalographie (MEG) chez l’Homme, mais aussi les études
chez l’animal, permettent des investigations jamais éga-
lées sur lesmécanismesneuronaux sous-tendant l’interval
timing.UneanalysedesarticlesdansPubMedsur l’
interval
timing
avecuneapprocheneuronalemontreuneaccéléra-
tionparticulièrement fortedans les cinqdernières années
(
figure 1
), mettant en évidence que cette recherche est
devenue récemment undomained’étudeenneurosciences.
Comment le tempsest-il représentédansnotrecer-
veau?
Unedes particularités du temps est qu’il n’apas d’organe
ou récepteur sensoriel dédié. Laperception temporelleest-
elledonc un sens comme un autre ? En fait, elle obéit aux
lois de laperception sensorielle, en ce sens qu’elle suit la
loi psychophysiquedeWeber depar sapropriété scalaire.
Cettepropriétéénonceque laprécision temporelleestpro-
portionnelle à ladurée à estimer. End’autres termes, si le
seuil de discrimination temporelle entre deux durées est
d’unesecondepour uneduréecourte, il sera trois foisplus
grand (donc3sec)pourunedurée trois foisplus longue.En
pratique, il voussera faciledediscriminerdesstimulid’uneet
deuxsecondes,maisvousne lepourrezpaspourdesstimuli
de trenteet trente-et-une secondes, bienque ladifférence
soit lamême (1sec).Cettepropriétéscalaires’appliqueau
jugementprospectif du temps, c’est-à-diredans lamajorité
des situations expérimentales où l’on informeaupréalable
lesujet (par instructionchez l’Hommeouentraînement chez
l’animal)qu’il vadevoir jugerde laduréedesstimuli que l’on
va lui présenter.
Maiscomment lecerveau fait-il ?Depuis lemodèled’horloge
internedeTreismanen1963, et sonélaborationen théorie
scalairedu traitement de l’information [Scalar Expectancy
Theory
(3)
], un certain nombredemodèles et théories ont
vu le jour, dont certains réfutent l’idéemêmed’unehorloge
interne et doncdéfendent l’idéequ’il n’y apas de circuits
neuronauxdédiésau traitementde l’information temporelle.
Cependant, lesmodèles lesplus influentsà l’heureactuelle
sont ceux qui font appel à un réseau de structures céré-
brales largement distribué,mettant en jeu lesganglionsde
labase et le cervelet, ainsi quedes aires corticales telles
que l’airemotrice supplémentaire, les cortex pariétaux et
préfrontaux, mais aussi des aires corticales sensorielles
(4)
. Plus récemment, desdonnées suggèrent qued’autres
structurescérébralescomme l’amygdale, structurecruciale
dans l’émotion, pourraient aussi jouer un rôle. Enfin, des
neuro-modulateurs telsque ladopamine, l’acétylcholineet
lasérotonine, sont aussi depuissantsacteursenparticulier
dans lesprocessusdedistorsions temporelles,qui nous font
croireque le tempspasseplusviteoumoinsvitequandon
apeur ouqu’on s’ennuie.
Le tempsest altérédansdenombreusespathologies
Vue lacomplexitédesprocessuscognitifsengagésdans le
traitement de l’information temporelleet les vastes réseaux
neuronaux impliqués, il n’estpasétonnantdevoirunealtéra-
tiondes fonctions temporellesdansdenombreusesmaladies,
sansqu’il y ait pour autant unepathologie spécifiquede la
perceptiondu temps. Par exemple, on sait que lespatients
atteintsdedépressionont tendanceàsurestimer lesdurées.
Lespatientsparkinsoniensprésententdesdéficits temporels
qui concernent à la fois le traitement sensoriel du temps et
laprogrammationde leursmouvementsdans le temps.Ces
déficits sont vraisemblablement liés aux atteintes dedeux
facteurscléde la représentationdu tempsdans lamaladie
deParkinson,qui sont lesganglionsde labaseet la fonction
dopaminergique.Unautrecasdepathologieassociéeàdes
altérationsde laperceptiondu tempsest laschizophrénie.Par
exemple, ilaétémontréque,chez lespatientsschizophrènes,
lesmécanismesélémentairesqui pourraient sous-tendre la
sensationde continuitédu temps sont perturbés
(5)
. Cela
pourrait avoir un rôle dans le développement des autres
troubles cognitifs de ces patients et sur des symptômes
comme ledélired’influence (qui conduit lespatientsàattri-
buer leursactionsou leurspenséesàune forceextérieure).
Uncasparticulier est celui despatientsamnésiques (avec
80
60
40
20
0
1990 1995 2000 2005 2010 2015
Année
Nombred’articles
Figure1 -
Évolutiondunombred’articlesdans la littérature sur
lapériode 1990-2015, recherchant lesbasesneurobiologiquesde la
représentationdu temps.
1...,12,13,14,15,16,17,18,19,20,21 23,24,25,26,27,28,29,30,31,32,...41
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