La Lettre 47 - page 27

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Avecune telle logique, le faitd’avoir ludes livresdephysique
et d’enmentionner certains concepts dansmes cours et
articles pour expliquer ce qui se passe dans l’IRMf ferait
demoi unphysicien…
Lesecteurprivéduneuromarketinget unepoignéed’univer-
sitairesenmarketing,ontdonc longtempsconfirmé l’adage :
«ce sont ceuxqui enparlent leplusqui en font lemoins».
Car ceux qui font du travail sérieux dans le secteur privé
savent qu’il vaut mieux nepas évoquer le neuromarketing
qui peut effrayer le consommateur et altérer l’imaged’une
marquedont il sedirait qu’elle ya recours.
Lebattagemédiatiqueautourduneuromarketingàcoupsde
grandesdéclarationsdu type«nousavons trouvé lebouton
d’achatdans lecerveau»
(3)
n’estpassansconséquence.
Les élus en ont tenu compte au cours du processus de
révisiondes loisdebioéthique initiéen2008.Ceprocessus
s’est concluen2011par lapromulgationd’unnouveau texte
de loi incluant lesneurosciences,unepremièremondiale
(4)
.
Ayant fait partiedesexpertsauditionnésàdenombreuses
reprisesaucoursde la révisiondeces lois, j’ai puconstater
qu’il n’étaitpas rared’entendre lesmêmespersonnesaffirmer
que le neuromarketing ne fonctionnepas, tout en insistant
sur lanécessitéde l’interdire.Maisalorspourquoi interdire
quelquechosequi ne fonctionnerait pas? Principedepré-
caution?Soit !Maisc’estdès lors reconnaître implicitement
qu’un jour viendraoùcela« fonctionnera», n’est-cepas ?
Toujoursest-il que le législateur, à traversun texte imprécis
ne faisant pas ledistinguoentre imageriecérébraleanato-
mique et fonctionnelle, souhaiteproscrire les applications
commercialesde« l’imageriecérébrale»en les limitant à la
recherchescientifiqueetmédicale ; texte inapplicabled’un
point de vue juridiquecommecommercial.
À l’instardecequi peut se faireenbiochimieoudans lesna-
no-technologies, lessociétésprivéesqui réalisent enFrance
des expériences utilisant l’IRMf le font avec unmédecin
responsable, comme la loi lesyoblige, etdesscientifiques.
Leur démarche, certescommerciale, est bel et bien scien-
tifique et/oumédicaledonc nepeut être interditepar la loi
tellequ’elleest rédigée.
Deplus,dansquellemesureest-il cohérentd’interdireàune
branchedesneurosciences (laneuroimagerie)d’êtreutilisée
àdesfinscommercialesquandd’autresdomainescomme
laneuroendocrinologie, pour neciter qu’unexempleparmi
d’autres, lepeuvent ?
Finalement, affirmer que l’imagerie cérébrale fonctionnelle
permetde formidablesavancées,parexemple,dans lacom-
préhensiondesmécanismesmnésiques,d’attentionvisuelle
ou encored’apprentissage, mais par contre n’aide en rien
danscelledescomportementsdeconsommationest soitde
l’incompétencesoit de lamalhonnêteté intellectuelle. L’effi-
cacitéd’une techniquede recherchen’est pasdéterminée
par le jugementde lavalencesociétaledesapplicationsqui
en sont faites. Ce n’est pas parceque certains sont aller-
giques aumarketingque les travaux en neurosciences de
ladécision, de lamémorisationet de l’attentionnevont pas
constituerunevaleurajoutéedans lecadrede l’élaboration
decampagnespublicitaires
(5)
.
Lesneurosciencesduconsommateur : unevaleur
ajoutéepour lesecteur privé tout autant quepour les
politiquespubliques
Aujourd’hui,nombreusessont les industriesqui ont recours
à la neuroimagerie fonctionnelle en recherche et déve-
loppement comme dans l’élaboration des campagnes
stratégiques.Outre lacommunicationet lemarketingque
nousavonsévoqués, lescampagnespolitiques, l’agro-ali-
mentaire, lesproduitsd’hygièneet debeauté, le tabacet
maintenant lesecteurbancaireet financier fontpartiedes
nombreux secteurs commerciauxqui, non seulement ont
recoursmais, pour certains, investissent à raisondans la
rechercheenneurosciences. Point dephilanthropiedans
leur démarche ; s’il n’y avait eu aucunbénéfice à utiliser
les neurosciences, le secteur privé en aurait abandonné
l’usage il y abien longtemps. Or, les investissements ne
cessentdecroîtrecar il existeunevéritablevaleurajoutée
àutiliser lesneurosciencespourmieuxdécrypter lecom-
portement des consommateurs. C’est notamment le cas
pourcorrigerdesméthodescomme lessondagesetautres
questionnairesque l’oncontinued’utiliser comme source
numéround’évaluationde stratégies decommunication,
malgré leursbiaisbienconnus (désirabilité sociale, ratio-
nalisation
aposteriori
, etc.).
C’estpourquoi, lorsdemapremièreauditionà l’Assemblée
nationaleen2008, - aprèsavoir rappeléque lemarketing
n’avait pasattendu l’avènement de laneuroimageriepour
nous faireconsommer - j’avais fait lapropositionque l’État
utilise lui aussi ces techniquesnotamment pour améliorer
lescampagnesdepréventionensantépublique.Si legou-
vernement n’allouera jamais à laprévention les sommes
dontbénéficie l’industrieagro-alimentairepourdévelopper,
communiqueretpromouvoirsesproduits,nouspouvonsau
moinsessayerd’utiliser lemêmearsenalméthodologique
afinde lutter contre l’obésitéou le tabagisme.
Lapropositionaétéentenduepar leCentred’analysestraté-
gique (organismedeconseil etde recherchesous la tutelle
duPremierMinistre). J’yai dirigé, de2009à2012, lepro-
gramme«Neurosciencesetpolitiquespubliques»dont le
butétaitd’évaluer l’apportdessciencescomportementales
etducerveaupouréclairer, voireaméliorer l’actionpublique
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