LA LETTRE
N°52
Coévolutionde l’axemicrobiote-intestin-
cerveau: fonctionset conséquences
physiopathologiques
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PAR TIPHAINE VANHAECKE, JACQUES GONZALES, MICHEL NEUNLIST, HÉLÈNE BOUDIN (*)
Systèmenerveuxentériqueet fonctionsdigestives
LeSNEest ledeuxièmesystèmenerveuxde l’organisme le
plusvasteaprès lecerveau, contenant environ200millions
de neurones. Outre les neurones, il est aussi constituéde
cellulesglialesentériques (Fig. 1). LeSNEest organisé tout
le longdu tubedigestif endeuxplexusprincipaux: leplexus
myentériquedont les constituants contrôlent les fonctions
demotricité (transportdesaliments le longdu tubedigestif)
et leplexussous-muqueuxdont lesconstituantscontrôlent
les fonctionsde labarrière intestinale (absorptiondesnutri-
mentset électrolytes, proliférationdescellulesépithéliales,
régulationdes fonctions immunes).Demanière intéressante,
il existerait une communication directe entre le SNE et le
nerf vague.
MicrobioteetSNE
Colonisation intestinaledumicrobioteau coursdu
développement
Aucoursdespremiers joursdevie, le tubedigestif dunou-
veau-né est progressivement colonisé par lemicrobiote.
Lemicrobiote intestinal comprend l’ensembledesmicroorga-
nismesqui résidentdansnotre tubedigestif. Il est constitué
enmajoritépar des bactériesmais aussi par des archées,
eucaryotesunicellulairesetmycètes.
Lapremièreet principalecontributionà l’établissement du
microbiotechez l’enfantànaîtreest la transmissiondumicro-
biotematernel aumoment de la naissancemais dépend
aussi dumodedenaissance (voiebasseoucésarienne),de
sonmoded’alimentation (laitmaternel vsarticifiel). Le tube
digestif du nouveau-né est un environnement aérobie, par
conséquent propiceaudéveloppement debactériesaéro-
bieset aérobie-facultatives, appartenantprincipalement au
phylumActinobacteria.Cesbactériesvontprogressivement
générer unenvironnement anaérobiepar laconsommation
dedioxygène, créant ainsi des conditions favorables à la
croissance de bactéries anaérobies strictes appartenant
notammentauxgenresBifidobacterium,BacteroidesetClos-
tridium entre une et deux semaines de vie. Au cours des
premièresannéesde vie, lacompositiondumicrobioteest
instableet s’enrichit progressivement endiversesespèces
entre l’âge de 2 et 5 ans pour aboutir à une composition
complexeet stable similaireàcellede l’adulte.
Introduction
Les interactions entre le cerveau et l’intestin sont au cœur
non seulement de notre santémais aussi de nombreuses
pathologieschroniquesouaiguës.Cevéritableaxecerveau-
intestin, à la fois anatomique et fonctionnel, a aussi joué
un rôle central dans l’évolutiondes espèces. En effet, ces
deux organes assurent chacundes fonctions vitales pour
tout organisme; d’une part l’intestin fournit, en assimilant
nutrimentsetélectrolytes, lesubstraténergétiquenécessaire
au développement et au fonctionnement de l’organisme
et, d’autrepart, le cerveau a contribué à l’adaptationdes
espècesauxpressionsenvironnementalesauxquelleselles
ont étéexposées.Danscecontexteévolutionnaire, l’intestin
représente le premier organe complexe structuré autour
duquel se sont ensuite développés d’autres organes tels
que lecœur, lespoumons (oubranchies), lecerveauetc...
Ainsi, lesorganismesprimitifs telsque l’hydreou lesméduses
sont formésd’un tubedigestif composédedifférents types
cellulairesdontdesneurones.Ceci faitde l’intestin lepremier
organe ‘neurologique’ d’unpointdevueévolutionnaireet ce
n’est queplus tard, avec les processus debilatéralisation
que sont apparus les premiers organismes contenant une
structurecérébraleprimitive. Lesstructurescérébralespri-
mitives incluant lesystème limbique,composéesentreautres
de l’hippocampe, l’hypothalamuset l’amygdale,avaientpour
fonctions (et les ont conservées) de favoriser la surviedes
organismes enparticulier en régulant des comportements
essentielsà la recherchedenourriture telsque lamémoire
(hippocampe), la réactiondepeur (amygdale), et la régu-
lation de la prise alimentaire (hypothalamus). Aussi, ces
structurescérébralessont restéesen interactiondirecteou
indirecte avec le tubedigestif, par l’intermédiairede voies
nerveuses (nerf vaguedont 80%desfibressont afférentes,
i.e. transmettantdes informationsde l’intestinvers lecerveau)
oupar voiehumorale.
Sa fonctionprincipale étant de réguler la surviedes orga-
nismes, l’axecerveau-intestinestparticulièrement sensible
aux facteursprésentsauseinde la lumièredu tubedigestif.
Parmi ces facteurs, lemicrobiote intestinal joueun rôledéter-
minant dans le contrôlede l’axe intestin-cerveau aupoint
dedevoir définir un axemicrobiote-intestin-cerveau, dans
lequel l’intestinet sonsystèmenerveux, lesystèmenerveux
entérique (SNE), occupeunepositioncentrale.
ouveautés enneurosciences
(*)UniversitéBretagne Loire, Université deNantes, INSERM,
IMAD,Nantes.
