La Lettre 47 - page 9

Geoffrey Burnstock et la naissance de
la transmission purinergique
Jean-Claude Dupont
(UniversitédePicardie
Jules Verne, Amiens, UFRde sciences humaines et
sociales et philosophie)
Le termede signalisation
purinergique (purinergic
signalling) a été introduit
dans la littérature scien-
tifique en 1972 par l’An-
glaisGeoffrey Burnstock
(ci-contre). Initialement,
le rôle physiologique de
l’ATP est très ancré dans
lemétabolisme intracellu-
laire. L’idéedeBurnstock qu’unemolécule, déjà reconnue
comme lasourceubiquitairede l’énergiecellulaire, pouvait
être impliquéedansunprocessusextracellulairecomme la
neurotransmission, suscitadoncuncertainscepticisme.Dès
lesannées trente,unpremier indicede l’actionextracellulaire
de l’ATPétait pourtant venududomainecardio-vasculaire,
lorsqu’unarticlepionnierdécrivit lesactionsextracellulaires
des purines sur le cœur et les vaisseaux coronaires
(2)
.
La pharmacologie des purines fut alors explorée et l’on
répertoria leurseffetscomplexes :effetchronotropenégatif
sur lecœur, vasodilatationcoronaire, faiblessemusculaire,
ataxie, somnolence
(3)
.
Ceseffetsétaient cependant difficilesàexpliquer et sem-
blaient impliquer desmécanismes à la fois centraux et
périphériques. Il faut sesouvenirdusolideconsensusqui
régnaitdepuis les travauxd’OttoLoewi etd’HenryDalede
l’entre-deux-guerres : l’acétylcholine (ACh) était l’unique
neurotransmetteurdesfibresduparasympathiquedusys-
tèmenerveuxautonome (SNA)et lanoradrénaline (NA)était
celui des fibres sympathiques. Le fameux principe «un
neurone, unneurotransmetteur »qui avait étéénoncépar
Dale, semblait faire loi. Jusqu’auxannées60, il nesemblait
guère y avoir deplacepour d’autres voies que ces deux
neurotransmetteurs«classiques»pour rendrecomptedes
actionspharmacologiquespériphériques
(4)
.
Lesannées60virent ledéveloppementd’unenouvellephase
de l’histoire de la neurotransmission avec la découverte
d’une transmission«nonadrénergiquenoncholinergique»
(NANC)auniveauduSNA.GeoffreyBurnstockàMelbourne
(Australie),décrivit l’action inhibitriced’unesubstance incon-
nue sur l’activité contractiledumuscle lisse tænia coli de
cobaye
(5)
. Cette action inhibitrice n’était pas bloquéepar
lessubstancesanticholinergiquesetantiadrénergiqueshabi-
tuelles, alors qu’elles l’étaient par la tétrodotoxine, connue
pour bloquer laconductionnerveuse. Cequ’avait observé
Burnstocknepouvait doncêtreque la réponse inhibitriceà
une transmissionNANC.
Après vérification de ces premiers résultats (
voir
figure
),
Burnstock et ses collaborateurs déroulèrent alors le fil de
leurs recherches comme suit
(6)
. Des effetsNANC simi-
laires, excitateursou inhibiteurs, furentmisenévidencesur
différentsmuscles lissesdesappareilsdigestifset urinaires,
généralisantainsi lephénomène.Diversessubstances furent
suggéréespour laneurotransmission (VIP, substanceP,NO)
mais lamoléculed’ATPse révéla lameilleurecandidate : son
applicationmimait bien les effets des fibresNANC (1970),
et la libérationd’ATP avait bien lieu après stimulationdes
fibresNANC (1971).
L’ATPdevenait ainsi unneurotransmetteur àpart
entière. Les purines bouleversèrent aussi l’histoire
de laneurotransmission en supportant l’idéeque
les terminaisons nerveuses pouvaient libérer plus
d’unneurotransmetteur
contrariant définitivement le principe deDale (voir aussi
«purines et neuromodulation»). Différentes étudesmon-
trèrent en effet que l’ATP était libéré avec l’ACh au niveau
vésical et avec laNA au niveaudumuscle lisse tænia coli
etducanal déférent. Lesannées70 furent cellesde lamise
enévidencede récepteurspurinergiques, les récepteursP1
et P2, sélectifs de l’adénosine et de l’ATP respectivement
(1978).Cettedistinctionaidaàclarifier lavariétédeseffets
purinergiques, demêmeque laprésence ubiquitairedes
enzymes de dégradation. La présence sur lamembrane
cellulairedes ecto-ATPases, enzymes catalysant ladégra-
dationdesnucléotidesextracellulairesen formantde l’AMP,
de l’ADP et de l’adénosine àpartir de l’ATP extracellulaire
faisait que certaines actions de l’ATP étaient dues à l’acti-
vationdirectedes récepteursP2, alorsqued’autresétaient
dues à l’action indirectede l’adénosine sur les récepteurs
P1.Àpartirdesannées80, les récepteursP1et P2 furent à
9
GeoffreyBurnstock
Trans-
ducer
Transducer
To smokedrum
From
heating
coil &
pump
Needle
Taeniacoli 1
Electrodes
Heated
organbath
To smoke
drum
Bent
needle
Taeniacoli 2
Bung
Waste
ATP
2g
2min
ADO
Figure  
-Expériencemenéeen 1966parBursnstocket ses
collaborateurs.La stimulationdenerfsNANCproduituneréponse
surunepremièrepréparationde tæniacoli.Leperfusatproduit
ensuiteuneréponsedifférente surunedeuxièmepréparationbranchée
en série.L’ATP libéréde lapremièrepréparationesthydrolyséen
adénosine, d’oùcetteréponsedifférente.Ledispositif est inspiréde
celuid’OttoLoewipour ladécouvertede l’acétylcholine. (inBurnstock
etVerkhratsky, 2012, p.18)
1,2,3,4,5,6,7,8 10,11,12,13,14,15,16,17,18,19,...41
Powered by FlippingBook