Courir ou manger du chocolat, un choix dicté par les récepteurs cannabinoïdes.

Les pathologies qui résultent de notre mode de vie sédentaire ont pour principale cause une inactivité physique, cette dernière étant souvent associée à une prise excessive de nourriture riche en sucres et/ou en gras. A l’opposé, une activité physique excessive aux dépens de la prise de nourriture peut également s’avérer nocive, comme l’illustrent des cas d’anorexie nerveuse. Ces données rendent donc cruciale la recherche des processus neurobiologiques contrôlant les motivations respectives pour l’activité physique et la prise alimentaire. Fruit de la collaboration entre des chercheurs de l’Inserm et du CNRS, une étude publiée le 07 Mars 2019 dans la revue JCI Insight révèle que les récepteurs cannabinoïdes CB1 jouent un rôle primordial dans le choix entre courir et consommer une nourriture chocolatée.
Les auteurs de ce travail avaient précédemment rapporté que les récepteurs des cannabinoïdes CB1, présents sur plusieurs types de neurones, jouent un rôle clef dans les performances lors d’une activité physique chez la souris. Cette conclusion était basée sur les performances réalisées par des animaux ayant un accès libre à une roue d’activité, un modèle qui ne permettait pas de distinguer le mécanisme mis en jeu (motivation, plaisir…). La motivation pour une récompense ne pouvant être estimée que par la mesure des efforts que l’individu, Homme ou animal, est prêt à fournir pour accéder à cette récompense, les chercheurs ont élaboré un modèle dans lequel chaque accès à la roue était conditionné par un effort préalable. Cet effort préalable consiste en l’introduction répétée du museau dans un réceptacle, condition sine qua none pour débloquer la roue. Après une période d’apprentissage de la tâche au cours de laquelle l’effort demandé était constant, les souris ont été confrontées à un test dans lequel l’effort demandé pour accéder à la roue a été augmenté de manière progressive. Exposées à ce test, des souris dépourvues de récepteurs CB1 ont montré un déficit de 80 % dans l’effort maximal qu’elles étaient prêtes à fournir pour accéder à la roue, et ce sans diminution des performances lors de leurs accès à la roue. Ce résultat indique que les récepteurs CB1 jouent un rôle majeur dans le contrôle de la motivation pour l’activité physique. L’utilisation d’autres souris génétiquement modifiées a également permis aux chercheurs de démontrer que ces récepteurs CB1 contrôlant la motivation pour l’exercice sont localisés sur des neurones GABAergiques.
Les chercheurs ont ensuite examiné si les récepteurs CB1 dans les neurones GABAergiques contrôlent la motivation pour une autre récompense, de la nourriture chocolatée (au même titre que les humains, les souris en raffolent même si elles sont bien nourries). Alors que les récepteurs CB1 jouent également un rôle dans la motivation pour la nourriture, mais à un degré moindre que dans la motivation pour l’activité physique, les récepteurs CB1 localisés sur les neurones GABAergiques ne sont pas impliqués dans la motivation pour la prise de nourriture chocolatée.
Dans notre vie quotidienne, nous sommes confrontés à un choix permanent entre plusieurs récompenses. Cette évidence a poussé les chercheurs à développer un modèle dans lequel, après apprentissage, les souris avaient le choix, moyennant les efforts décrits ci-dessus, entre une activité physique et de la nourriture chocolatée. La motivation pour l’activité physique l’a emporté sur la prise de nourriture chocolatée, à l’exception des souris dépourvues de récepteur CB1 de manière globale ou uniquement dans les neurones GABAergiques qui, elles, ont montré une préférence pour la nourriture.
Au-delà de ces résultats indiquant que le récepteur cannabinoïde est primordial pour la motivation pour l’activité physique, cette étude ouvre des perspectives pour pouvoir étudier les mécanismes neurobiologiques responsables d’augmentations pathologiques de cette motivation. Une illustration est fournie par l’anorexie nerveuse qui associe souvent une diminution de la motivation pour se nourrir à une augmentation de la motivation pour l’activité physique.

 

Source

The motivation for exercise over palatable food is dictated by cannabinoid type-1 receptors.

Muguruza C, Redon B, Fois GR, Hurel I, Scocard A, Nguyen C, Stevens C, Soria-Gomez E, Varilh M, Cannich A, Daniault J, Busquets-Garcia A, Pelliccia T, Caillé S, Georges F, Marsicano G, Chaouloff F.

JCI Insight. 2019 Mar 7;4(5). pii: 126190. doi: 10.1172/jci.insight.126190.

 

Contact chercheur

Francis Chaouloff
NeuroCentre INSERM U1215
Equipe “Endocannabinoïdes & NeuroAdaptation”
33077 Bordeaux
05 57 57 37 55
francis.chaouloff@inserm.fr

de Contributeur 27.03.2019 à 10h09

Des neurones de schéma dans le cerveau

Comment le cerveau se représente-t-il l’espace ? Des chercheurs du CNRS de Lyon et Grenoble ont observé l’activité cérébrale de macaques alors que ces animaux naviguaient dans des environnements 3D virtuels à la recherche d’une récompense. Ils ont montré que certains neurones d’une structure essentielle à la mémoire, l’hippocampe, permettent de mémoriser les détails des environnements (mémoire épisodique) tandis que d’autres encodent la logique d’organisation de l’espace, lorsqu’elle se répète. Ces « cellules de schéma » encodent le rôle fonctionnel attribué à des repères visuels plutôt que leur apparence. Ainsi, l’hippocampe pourrait représenter à la fois le caractère particulier d’expériences uniques en même temps que l’information commune à ces épisodes, réalisant un encodage compact des données à mémoriser. Ces résultats, publiés dans Science, montrent qu’une forme de pensée abstraite existe chez le macaque rhésus, et ouvrent ainsi des possibilités d’exploiter ce modèle animal pour faire progresser la compréhension de pathologies cliniques.

L’hippocampe est une structure du lobe temporal du cortex cérébral qui joue un rôle essentiel dans la mémoire des souvenirs (mémoire épisodique) ainsi que dans l’orientation spatiale. Des lésions de cette partie du cerveau, comme dans la maladie d’Alzheimer, mènent à des pertes mnésiques et de profondes désorientations. La collaboration entre des chercheurs de l’Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod (Lyon, CNRS/Université de Lyon) et du GIPSA-lab (Grenoble, CNRS/UGA) a permis de préciser le rôle des neurones de l’hippocampe dans la mémoire spatiale chez le singe. Les animaux étaient plongés dans un environnement 3D virtuel (labyrinthe en étoile) où ils devaient trouver une récompense invisible en se repérant grâce à des éléments distants (des amers, p. ex. l’arbre de l’illustration). Après des semaines d’entraînement dans un environnement devenu familier, les animaux ont été testés dans des environnements à la géométrie identique mais dont les amers changent chaque jour. Quelques essais et erreurs sont alors suffisants aux animaux pour se repérer, démontrant ainsi leur compréhension de la tâche et de la structure de l’environnement : les animaux ont formé un schéma mental de l’environnement-type. Si beaucoup de neurones de l’hippocampe semblent coder des aspects uniques à chaque environnement, comme l’identité des amers, d’autres se comportent comme des “cellules de schéma” dont l’activité, une fois rapportée à la position de la récompense, est similaire dans tous les environnements. Ainsi, l’hippocampe pourrait représenter à la fois le caractère particulier d’expériences uniques en même temps que l’information commune à ces épisodes, réalisant un codage compact des données à mémoriser. Ceci est encore plus apparent si, au lieu de caractériser l’activité des neurones par rapport à la position de l’animal dans l’espace physique, on la repère dans un espace des états de la tâche, une représentation plus abstraite de la progression de l’animal vers son but, à l’origine utilisée en automatique ou en robotique, et prenant en compte la position, l’orientation et l’historique de navigation de l’animal. Les neurones de schéma utilisent donc tous ces indices pour construire une représentation fonctionnelle de l’environnement. Ce modèle animal pourrait être utile dans la compréhension de certaines pathologies cliniques.

 

Référence

Baraduc P, Duhamel JR, Wirth S (2019). Schema cells in the macaque hippocampus. Science, 2019 Feb 8; 363(6427):635-639.

 

Contact chercheurs:

Pierre Baraduc, GIPSA-lab, CNRS/U.Grenoble-Alpes, 11 rue des Mathématiques, 38402 Saint Martin d’Hères. 04 76 82 71 50. pierre.baraduc@gipsa-lab.fr

Sylvia Wirth, ISCMJ, CNRS/U.Lyon, 67 Bd Pinel, 69675 Bron. 04 37 91 12 32. sylvia.wirth@isc.cnrs.fr

de Contributeur 21.03.2019 à 12h47

La preuve est faite : Les champs magnétiques des structures profondes du cerveau sont visibles depuis la surface !

Une équipe pluridisciplinaire formée d’ingénieurs et de cliniciens (AMU, Inserm, AP-HM) vient de faire la démonstration qu’il est possible de détecter en surface des activités pathologiques se produisant dans des structures profondes du cerveau (Pizzo et al. Nat Comm 2018). Ces structures sont fortement impliquées dans des pathologies comme l’épilepsie ou certaines maladies neuro-dégénératives. Elles étaient considérées jusqu’à présent comme invisibles à partir de la surface, nécessitant l’implantation d’électrodes directement dans le cerveau par la technique d’EEG intracérébrale stéréotaxique (SEEG). Les chercheurs ont utilisé une combinaison unique d’enregistrements simultanés de magnétoencéphalographie (MEG) et de stéréo-électroencéphalographie (SEEG), et des méthodes avancées de traitement du signal. Ces résultats ouvrent de nouvelles possibilités dans l’étude non-invasive de la dynamique cérébrale, à la fois en clinique et en neurosciences fondamentales.

La MEG est une technique de pointe non-invasive utilisée pour cartographier les activités cérébrales, qui possède une excellente résolution à la fois spatiale et temporelle. La SEEG est une technique invasive utilisée lors du bilan préchirurgical des patients épileptiques, consistant à implanter des électrodes directement dans le cerveau. Très peu de centres au niveau mondial maîtrisent l’enregistrement simultané de ces deux méthodes, une prouesse technique qui a été rendue possible grâce à une collaboration rapprochée entre recherche et clinique. Ces enregistrements simultanés ont permis de confirmer la capacité de la MEG d’enregistrer le signal des zones du cerveau. Cela ouvre à terme la possibilité pour certains patients de se passer d’enregistrement invasifs, ce qui serait une grande avancée.

Les chercheurs et enseignants-chercheurs de l’Institut de Neurosciences des Systèmes (INS, Aix-Marseille Université et Inserm) et du service d’Epileptologie et de Rythmologie Cérébrale de  l’assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) ont ainsi pu montrer que des activités enregistrées avec des électrodes profondes dans l’hippocampe, l’amygdale et le thalamus produisent bien un reflet mesurable en surface sur les capteurs de MEG. Cela résout une controverse existante de longue date, car il est communément admis que des structures cérébrales aussi profondes et d’architecture complexe ne sont pas visibles directement, mais plutôt indirectement par propagation neuronale vers des structures plus superficielles. Grâce au traitement du signal, les chercheurs ont pu séparer les deux types d’activités, propagée et initiale, et ainsi démontrer que cette dernière est bien visible en surface.

Ces structures profondes du cerveau (en particulier du lobe temporal) sont impliquées à la fois dans le fonctionnement normal (mémoire, émotions) et dans le dysfonctionnement (épilepsie, maladies neurodégénératives) du cerveau. Cette découverte a donc des conséquences à la fois au niveau clinique, car elle suggère que l’on peut se passer d’implanter des électrodes pour diagnostiquer le cerveau, et au niveau des neurosciences, car elle ouvre la voie à de nouvelles études sur la dynamique spatio-temporelle des réseaux cérébraux.

 

Reference

Pizzo F, Roehri N, Medina Villalon S, Trébuchon A, Chen S, Lagarde S, Carron R, Gavaret M, Giusiano B, McGonigal A, Bartolomei F, Badier JM, Bénar CG. Deep brain activities can be detected with magnetoencephalography. Nat Commun. 2019 Feb 27;10(1):971. doi: 10.1038/s41467-019-08665-5.

 

Contact chercheur

Christian Bénar

Aix Marseille Univ, INSERM, INS, Inst Neurosci Syst, Marseille, 13005, France.

christian.benar@univ-amu.fr.

de Contributeur 11.03.2019 à 10h23

Les séquences neurales enchevêtrées sont indispensables à la formation de la mémoire !

De nombreuses fonctions cognitives semblent être sous-tendues au niveau cérébral par la formation de séquences d’activité neuronale, c’est-à-dire par l’activation successive d’ensembles spécifiques de neurones, dans un ordre bien précis. Ces fonctions sont variées, allant de la vocalisation chez les oiseaux, à la réactivation de souvenirs chez les primates, en passant par la discrimination d’odeurs chez les criquets, ou encore la planification et la prise de décision chez les rats. Les séquences d’activité peuvent se produire plus ou moins rapidement, depuis l’échelle de temps lente du comportement (c’est-à-dire conditionnée par la perception ou par l’action), jusqu’à l’échelle de temps rapide endogène (c’est-à-dire conditionnée par les propriétés intrinsèques des réseaux de neurones concernés). Un exemple particulièrement frappant est l’hippocampe, dont les cellules de lieu codent la position de l’animal dans l’environnement. Lorsque l’animal se déplace, les cellules de lieu s’activent les unes après les autres au fil de la trajectoire, ce qui forme des séquences d’activité à l’échelle de temps comportementale. Ensuite, pendant le sommeil, ces mêmes séquences se reproduisent spontanément, comme si l’animal « rêvait » des trajectoires qu’il vient de parcourir. Ces réactivations sont hautement accélérées, environs vingt fois plus rapides, et permettent de renforcer la mémoire pendant le sommeil. Comment l’organisation séquentielle des cellules de lieu peut-elle être maintenue à des échelles de temps si différentes, manifestées à des moments totalement séparés dans le temps, et dans des états cérébraux opposés (veille, sommeil) ?

Une première possibilité est que l’information séquentielle est directement enregistrée lorsque les neurones s’activent les uns après les autres à l’échelle de temps du comportement. Une seconde possibilité, plus énigmatique, met en jeu la remarquable propriété de l’hippocampe de générer des séquences d’activité enchevêtrées, c’est-à-dire mêlant de manière profondément intriquée des séquences lentes et des séquences rapides. Ceci se produit en fait pendant l’exploration : alors même que les cellules de lieu s’activent lentement les unes après les autres, le réseau hippocampique produit également des séquences d’activité à l’échelle de temps d’une oscillation cérébrale appelée « thêta », dont les cycles durent à peine 150 ms. Ceci permet aux cellules de lieu de s’activer de manière répétée, très rapidement les unes après les autres, comme si à chaque instant elles représentaient toute la trajectoire en cours. Grâce à leur vitesse élevée, ces séquences enchevêtrées permettraient aux cellules de lieu de renforcer leurs connexions, et ainsi de mémoriser leur séquence d’activation. Mais s’agit-il vraiment là du mécanisme qui permet à l’hippocampe de mémoriser des trajectoires, ou d’un simple épiphénomène, si frappant soit-il ?

Pour répondre à cette question, nous avons enregistré des séquences d’activité hippocampiques chez des rats, pendant l’exploration de l’environnement, et pendant le sommeil. Nous avons développé un protocole, grâce auquel nous avons pu perturber, de manière rapide et sélective, les séquences d’activité enchevêtrées, sans toucher aux séquences lentes. Ainsi, les cellules de lieu s’activaient-elles toujours les unes après les autres à mesure que les rats parcouraient l’environnement (à l’échelle de temps du comportement), mais les séquences enchevêtrées (à l’échelle de temps du rythme thêta) pouvaient être supprimées à volonté. Nous avons constaté que la perturbation des séquences enchevêtrées avait pour conséquence une absence totale de réactivations pendant la période de sommeil suivante, réactivations qui permettent normalement la consolidation de la mémoire. Ainsi est-ce bien grâce à son étonnante capacité à produire en même temps des séquences rapides et lentes, grâce à cet enchevêtrement des échelles de temps, que l’hippocampe peut mettre initialement en mémoire les souvenirs qui seront ensuite renforcés pendant le sommeil pour permettre une mémorisation à long terme.

Référence

Drieu C, Todorova R, Zugaro M.. Nested sequences of hippocampal assemblies during behavior support subsequent sleep replay. Science. 2018 Nov 9;362(6415):675-679. doi: 10.1126/science.aat2952.

 

Contact chercheur

Michael Zugaro

Center for Interdisciplinary Research in Biology (CIRB), Collège de France, CNRS, INSERM, PSL Research University, Paris.

 

de Contributeur 20.11.2018 à 06h36

L’acétylcholine et les circuits neuronaux de la dépression

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la dépression est un trouble mental courant affectant plus de 300 millions de personne dans le monde. L’apparition de troubles dépressifs est la conséquence d’une interaction complexe entre prédispositions génétiques et facteurs psychosociaux. Elle se caractérise notamment par une perte de plaisir (anhédonie) et l’évitement des autres (aversion sociale). Ces altérations comportementales peuvent être observées chez des souris soumises à des expériences traumatogènes comme un stress social. En effet, l’exposition répétée de souris à des congénères mâles dominants entraine l’apparition de troubles comportementaux caractéristiques de la dépression associés à la dérégulation d’un messager chimique du cerveau, la dopamine.  Comprendre les mécanismes impliqués dans ces adaptations est un enjeu important pour le traitement des troubles psychiatriques liés au stress.

Les récents travaux de notre équipe au sein de l’Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire, publiés dans la revue Nature Communications, ont dévoilé en partie les mécanismes neurobiologiques impliqués dans les troubles dépressifs. Nous avons identifié un circuit neuronal qui sous-tend la dérégulation des signaux dopaminergiques et l’apparition des comportements anhédoniques et d’aversion sociale. En effet, nous avons montré que l’exposition à un stress social chronique entraine une profonde dérégulation des neurones du noyau latérodorsal du tegmentum (LDTg), notamment ceux produisant l’acétylcholine, un messager chimique jouant un rôle important dans la modulation de l’activité des neurones dopaminergiques. Le blocage sélectif de l’activité de ces neurones par l’utilisation d’approches chimiogénétiques lors des phases d’exposition au stress est suffisante pour empêcher la cascade de réactions aboutissant à l’apparition des troubles comportementaux. La dérégulation des neurones à acétylcholine est causée par le relargage de corticolibérine et sa fixation sur le récepteur CRF de type 1 modulant directement l’activité des neurones cholinergiques.

Ces résultats pourraient mener à de nouvelles pistes thérapeutiques pour combattre la dépression, soit par des approches pharmacologiques contre les cibles moléculaires identifiées, soit par des approches permettant de moduler l’activité des macrocircuits mis en évidence.

 

Reference

 

Fernandez SP, Broussot L, Marti F, Contesse T, Mouska X, Soiza-Reilly M, Marie H, Faure P, Barik J.

Mesopontine cholinergic inputs to midbrain dopamine neurons drive stress-induced depressive-like behaviors.

Nat Commun. 2018 Oct 25;9(1):4449. doi: 10.1038/s41467-018-06809-7.

 

Contact chercheur

 

Jacques Barik

Université Côte d’Azur, Nice, 06560, France

Institut de Pharmacologie Moléculaire & Cellulaire, CNRS, UMR7275, Valbonne, France

barik@ipmc.cnrs.fr

 

Estimates from the WHO show that depression is one of the most common psychiatric disorders, affecting 300 million people worldwide. Depression appears to be the result of a complex interaction between genetic predisposition and psychosocial factors. Most common symptoms include decrease ability to experience pleasure (anhedonia) and strong withdrawal from social interaction. These behavioral traits can be modeled and studied in mice subjected to stressful events such as social defeat. Indeed, in mice repeated exposure to a dominant conspecific produces depressive-like behavioral alterations that have been associated with an imbalance in the brain neurotransmitter dopamine. Understanding the process underlying these mal-adaptations warrants better treatments for psychiatric disorders associated with stress.

In a recent work published by our team (Institute of Molecular and Cellular Pharmacology) in the journal Nature Communications, we unraveled a novel mechanism implicated in the neurobiology of depression. We identified a neuronal circuit that promotes a dysregulation in dopaminergic signaling and the appearance of social aversion and anhedonia, two hallmarks of depressive states. We showed that exposure to chronic social stress induces strong activation of cholinergic neurons in the laterodorsal tegmental (LDTg) nucleus, which are important regulators of dopamine neurons activity. Selective chemogenetic silencing of these cholinergic neurons during social stress exposure was sufficient to prevent the chain of events linked with maldaptive behavioral responses. The dysregulation of LDTg cholinergic neurons by stress involves the release of corticotrophin-releasing factor (CRF) and selective activation of CRF-1 receptors in these neurons.

These results will open up new avenues in the fight against depression, by pinpointing a molecular target for drug discovery, or alternatively by brain neuromodulation approaches on these newly described circuit mechanisms.

 

 

 

de Contributeur 12.11.2018 à 10h00

Changement nanoscopique, effet macroscopique : quand le récepteur NMDA régule l’adaptation synaptique

L’adaptation des synapses excitatrices est une des bases de la plasticité cérébrale, et implique le recrutement de récepteurs du glutamate de type NMDA. Des chercheurs de l’IINS (UMR 5297), du LP2N (Institut d’Optique), du University College London (UK), et de l’Université de Coimbra (Portugal) ont caractérisé l’organisation nanométrique de ces récepteurs aux synapses, et comment celle-ci influence leur adaptation. Publiés dans la revue Neuron, ces travaux apportent un éclairage nouveau sur les mécanismes à l’œuvre pendant l’apprentissage et la mémorisation.

En effet, les synapses glutamatergiques supportent l’essentiel des neurotransmissions excitatrices dans le cerveau et ont la capacité de s’adapter, un processus de plasticité généralement considéré comme une des bases de l’apprentissage et de la mémoire. Les récepteurs du glutamate de type NMDA (NMDAR) sont des acteurs clés de ces changements d’efficacité, et ont par conséquent été intensivement étudiés au cours des dernières décennies par manipulations génétiques ou pharmacologiques. Deux sous-types principaux de NMDAR, ceux contenant la sous-unité GluN2A ou GluN2B, influent directement sur la capacité de renforcement ou d’affaiblissement des synapses. De véritables régulateurs de l’adaptabilité des synapses excitatrices!

Néanmoins, nous n’avions jusqu’alors aucune vision de comment ces GluN2A- et GluN2B-NMDAR sont organisés au sein des synapses, de l’évolution de cette organisation au cours du développement, ni de comment cette organisation peut participer à la plasticité synaptique. En combinant des approches de microscopie de super-résolution et de d’électrophysiologie dans l’hippocampe, nous avons observé que les deux types de récepteurs sont organisés en nano-domaines distincts qui varient en nombre, surface, morphologie et localisation au cours du développement. Ces nano-domaines répondent à des mécanismes de régulation spécifiques à chaque sous-type de récepteurs impliquant des interactions avec des protéines d’échafaudage. Pour comprendre comment cette distribution nanométrique pouvait influer sur la signalisation synaptique, ils ont ensuite sélectivement désorganisé ces nano-domaines et, de manière inattendue, cela entrainait des changements bidirectionnels de la capacité d’adaptation des synapses! Ces découvertes révèlent pour la première fois que l’organisation nanométrique des récepteurs joue un rôle clé dans la plasticité des synapses. Elles apportent un éclairage nouveau sur notre compréhension des mécanismes moléculaires à l’œuvre lors des processus d’apprentissage et de mémorisation.

 

Nanoscopic change, macroscopic effect : when the NMDA receptor tunes the synaptic plasticity !

 

Glutamatergic synapses mediate most of excitatory neurotransmissions in the brain and have the ability to adapt their strength in response to salient environmental stimuli, a neuronal plasticity process that has been proposed to support learning and memory formation. NMDA glutamate receptors (NMDAR) were found to be central actors of these experience-dependent changes in transmission efficacy. Thus, they have been extensively studied over the past decades through genetic and pharmacological manipulations. These studies have revealed that two main subtypes of NMDAR can be found in the forebrain: those containing the GluN2A and those containing the GluN2B subunit, which display specific biophysical, pharmacological and signaling properties. An interesting feature of these two predominant subtypes is that their respective abundance at synapses changes along brain development or sensory experience, and directly influences the ability of synapses to strengthen or weaken.

However, how the spatial distribution of GluN2A- and GluN2B-NMDAR at synapses evolves during maturation or activity-elicited modifications, and how it may affect synaptic signaling and adaptation remained open questions. In a joint effort between researchers of IINS (University of Bordeaux/CNRS UMR 5297), LP2N (University of Bordeaux/Institut d’Optique), University College London (UK), and of the University of Coimbra (Portugal), we used super-resolution microscopy and electrophysiological recordings in hippocampal neurons to investigate the nanoscale organization of GluN2A- and GluN2B-NMDAR at synapses and how it influences their adaptation. Both receptor subtypes were found to be organized in separate nanodomains which varied in number, area, shape, and localization over the course of development. These nanodomains displayed regulation mechanisms that were specific to each receptor subtype and involved interactions with scaffolding proteins of the postsynaptic density. To explore how this finely controlled distribution may influence synaptic signaling, we then selectively disrupted the organization of either GluN2A- or GluN2B-NMDAR nanodomains. To our surprise, acting on one or the other allowed to bi-directionally influence the adaptation of synapses: while disorganizing GluN2A-NMDAR nanodomains enhanced the strengthening of neuronal connections, disrupting the organization of GluN2B-NMDAR resulted in the exact opposite! These investigations reveal for the first time that the nanoscale organization of receptors plays a key role in NMDAR signaling at synapses, and likely influences the plasticity of neuronal networks.

Pour en savoir plus

Kellermayer B*, Ferreira JS*, Dupuis J*, Levet F§, Grillo-Bosch D§, Bard L§, Linarès-Loyez J, Bouchet D, Choquet D, Rusakov DA, Bon P, Sibarita JB, Cognet L, Sainlos M, Carvalho AL, Groc LDifferential Nanoscale Topography and Functional Role of GluN2-NMDA Receptor Subtypes at Glutamatergic Synapses – Published: September 27, 2018 · DOI: https://doi.org/10.1016/j.neuron.2018.09.012

Contact chercheur

Laurent Groc

Institut Interdisciplinaire de Neurosciences

UMR5297 (CNRS/Université de Bordeaux)

146 rue Léo Saignat

CS 61292 Case 130

33076 Bordeaux Cedex

Tel: 05 33 51 47 62

laurent.groc@u-bordeaux.fr

de Contributeur 16.10.2018 à 01h14

Au delà des représentations sensorielles dans le cortex auditif primaire

Le cortex cérébral est classiquement décrit comme une chaine hiérarchique dans laquelle les aires primaires extraient et encodent les caractéristiques de bas-niveau des stimuli sensoriels, alors que les aires de plus haut-niveau représentent le sens du stimulus, en fonction du contexte et de l’environnement. Par exemple, dans le cas d’une tache de discrimination auditive, le cortex auditif primaire est sensé encoder la localisation, le timbre, la hauteur du stimulus, alors que les aires supérieure représentent le sens perceptuel du stimulus et la décision de l’animal.

Dans une étude publié dans Nature Communications, Sophie Bagur et collègues ont montré que le cortex auditif primaire encode toutefois bien davantage que les seules propriétés sensorielles des sons, et représente de manière précoce le sens du stimulus, de façon similaire au cortex frontal. Pour parvenir à cette conclusion, le groupe mené par Yves Boubenec et Srdjan Ostojic, les deux auteurs senior de cette étude, a comparé l’activité du cortex auditif du furet dans deux contextes différents : lorsque l’animal écoute passivement deux sons, et lorsqu’il discrimine de manière active les mêmes stimuli en répondant à l’un (son cible) et pas à l’autre. En analysant au niveau populationnel l’activité de l’ensemble des neurones enregistrés, les auteurs ont montré que le type de codage dépend de façon drastique du contexte. Dans le cas de l’écoute passive, l’activité représente comme attendu de façon symétrique les propriétés sensorielles des deux sons. Lors de la discrimination active, l’activité populationnelle amplifie par contre fortement le son cible, et reflète sa signification comportementale de façon analogue au cortex frontal. Ce changement induit par l’engagement dans la tâche repose en partie sur des modifications d’activité spontanée, suggérant un rôle nouveau pour celle-ci dans le codage.

Référence:

Bagur S, Averseng M, Elgueda D, David S, Fritz J, Yin P, Shamma S, Boubenec Y, Ostojic S. Go/No-Go task engagement enhances population representation of target
stimuli in primary auditory cortex. Nat Commun. 2018 Jun 28;9(1):2529. doi:10.1038/s41467-018-04839-9.

Contact chercheur:

Srdjan Ostojic

LNC2. Equipe. Network Dynamics and Computations.

Ecole Normale Superieure

29 rue d’Ulm
75005 Paris France

srdjan.ostojic@ens.fr

de Contributeur 11.10.2018 à 11h02

L’épigénétique au secours de la maladie d’Alzheimer !

La maladie d’Alzheimer (MA) est une maladie neurodégénérative affectant les fonctions de la mémoire et conduisant progressivement à une perte neuronale massive et à une démence. Il n’y a actuellement aucun traitement curatif et certains essais cliniques récents ont échoué.

L’acétylation des histones est un régulateur essentiel de la structure de la chromatine et de l’expression des gènes. Notre étude démontre un dérèglement de l’acétylation de l’histone H2B dans l’hippocampe de souris développant des lésions neurofibrillaires, l’une des composantes pathologiques de la MA. Elle apporte en outre une preuve de concept qu’un traitement in vivo avec une molécule activatrice de l’acétyltransférase CBP / p300 (CSP-TTK21) rétablit les niveaux d’acétylation de H2B dans l’hippocampe et ainsi, restaure efficacement l’activité neuronale, la plasticité et la mémoire chez ce modèle de souris.

Rétablir une plasticité dans le cerveau malade en activant la fonction acétyltransférase de CBP/p300 constituerait donc une approche thérapeutique susceptible de retarder le déclin cognitif et d’améliorer les performances mnésiques chez les patients atteints de MA.

 

Référence

Reinstating plasticity and memory in a tauopathy mouse model with an acetyltransferase activator. Chatterjee S*, Cassel R*, Schneider-Anthony A*, Merienne K, Cosquer B, Tzeplaeff L, Halder Sinha S, Kumar M, Chaturbedy P, Eswaramoorthy M, Le Gras S, Keime C, Bousiges O, Dutar P, Petsophonsakul P, Rampon C, Cassel JC, Buée L, Blum D, Kundu TK, and Boutillier AL (2018). EMBO Molecular Medicine (Accepté le 5 septembre 2018) * co-premier auteurs

Contact

 

Anne-Laurence Boutillier

Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Adaptatives (LNCA)

Equipe Dynamique de la mémoire & Epigénétique
UMR 7364 Unistra / CNRS
12, rue Goethe 67000 Strasbourg, France
Email : laurette@unistra.fr
Site web :http://lnca.fr/20.html

Tel: 03 68 85 19 34

de Contributeur 02.10.2018 à 02h10

Soigner l’addiction à la cocaïne avec la chirurgie !

L’addiction est une maladie psychiatrique qui se caractérise par l’émergence de certains comportements pathologiques, tels que la perte progressive de contrôle de la consommation d’une substance (en termes de dose et de fréquence de consommation). Il n’existe à ce jour aucun médicament efficace pour bloquer le développement de cette escalade de la consommation ou normaliser cette perte du contrôle de la prise de drogue, notamment dans le cas de la cocaïne. L’équipe du Dr. Christelle Baunez à Marseille avait précédemment montré chez le rat que la stimulation cérébrale profonde du noyau subthalamique (NST ; qui est utilisée avec succès depuis deux décennies chez les patients parkinsoniens) réduisait la motivation des animaux à travailler pour obtenir de la cocaïne.

Dans cette nouvelle étude, l’équipe a donc testé le potentiel de la stimulation cérébrale profonde du NST sur l’escalade de la consommation de cocaïne, que l’on observe chez le rat en lui donnant quotidiennement un accès long à la drogue (6 heures / jour, pendant deux semaines). Les chercheurs ont tout d’abord enregistré l’activité du NST au cours du développement de l’escalade, grâce aux électrodes implantées dans celui-ci. Ils ont observé une augmentation progressive de l’activité basale (en absence de cocaïne) oscillatoire de basse fréquence dans le NST, en parallèle de la perte de contrôle de la consommation de cocaïne des animaux. De façon intéressante, ce type d’activité pathologique du NST a également été observé dans la maladie de Parkinson. L’équipe du Dr. Baunez a mis en évidence que bloquer le développement de ces activités oscillatoires pathologiques en appliquant la stimulation du NST à 130 Hz a un effet préventif sur le développement de la perte de contrôle, puisque les animaux stimulés n’augmentent pas leur consommation lors de l’accès prolongé à la cocaïne. Outre les effets préventifs de la stimulation à haute fréquence du NST, les auteurs montrent également que cette stimulation peut avoir un effet thérapeutique en terme de diminution de la rechute lors d’une ré-escalade suivant une période d’abstinence.

Ces travaux menés en collaboration étroite entre des équipes de recherche de Marseille (Christelle Baunez), de Bordeaux (Serge Ahmed) et du Scripps Research Institute de San Diego-USA (Olivier George et George Koob) fournissent donc des évidences précliniques concrètes quant à une utilisation potentielle de la stimulation cérébrale profonde du NST pour réduire la consommation excessive de drogues chez les toxicomanes.

Publication

Pelloux Y*, Degoulet M*, Tiran-Cappello A, Cohen C, Lardeux S, Georges O, Koob GF, Ahmed SH, Baunez C. Subthalamic nucleus inactivation prevents and reverses escalated cocaine use. Mol. Psychiatry. 2018 (sous presse, doi : 10.1038/s41380-018-0080-y).

 

Contact :

Christelle Baunez

Institut de Neurosciences de la Timone

UMR CNRS 7289

27, blv Jean Moulin

13005 Marseille

 

de Contributeur 09h52

Semaine du Cerveau 2018

La Semaine du Cerveau sur la Côte d’Azur primée par la Fondation DANA et la FENS au Congrès de la FENS à Berlin.

A l’occasion du 11e Forum des Neurosciences de la Fédération des Sociétés des Neurosciences Européennes (FENS 2018) qui s’est tenu début juillet à Berlin, Carole Rovere et Jacques Noël, membres du comité d’organisation de la Semaine du Cerveau sur la Côte d’Azur, avec John Pusceddu, ont reçu pour l’Université Côte d’Azur, le CNRS et la Société des Neurosciences le “2018 EDAB-FENS Brain Awareness Week (BAW) Excellence Award” attribué par The European DANA Alliance for the Brain, la Fondation DANA et la FENS en reconnaissance des programmes exceptionnels de sensibilisation du grand public qui ont été déployés cette année lors de la Semaine Cerveau sur la Côte d’Azur sur le thème du « Cerveau du futur ».

 

de Clémence Fouquet 04.09.2018 à 02h48