La Lettre 45 - page 4

La lettre
L’œuvre scientifique de
Jean Nageotte
*
|
par Jacques taxi, JEAN-GAËL BARBARA
istoire des Neurosciences
On peut distinguer dans l’œuvre de Nageotte trois périodes
définies par l’orientation principale de ses recherches. Une
période de recherche en neuropathologie, une autre en neu-
rohistologie et neurocytologie et enfin la période consacrée
à la biophysique et la cristallographie.
L’expérience de la neuropathologie
Il fut d’abord l’élève du neuropathologiste Albert Gombault
(1844-1904) et du professeur Fulgence raymond (1844-
1910), sous la direction desquels il fit sa thèse de médecine,
intitulée « Tabes et paralysie générale » (1893)
1
dans laquelle
Nageotte établit que l’origine du tabès ne se situe pas dans
les neurones médullaires, comme on l’admettait à l’époque,
mais dans une lésion des cordons postérieurs.
Il devait affiner cette notion par la suite, en montrant que la
lésion initiale se situe au niveau du « nerf radiculaire », que
d’autres auteurs ont pérennisé comme « nerf radiculaire de
Nageotte ». Cette découverte fut longtemps controversée
avant de s’imposer définitivement.
C’est au cours de cette période qu’il se lia avec le neuro-
logue Joseph Babinski, de neuf ans son aîné, qu’il considéra
toujours comme l’un de ses maîtres et avec lequel il décrivit
en 1902 le syndrome de Babinski-Nageotte, conséquence
d’une lésion bulbaire unilatérale d’origine syphilitique.
On peut considérer que cette période neuropathologique
se clôt avec la rédaction du chapitre « Centres nerveux infé-
rieurs » de trois cent dix-neuf pages, en collaboration avec le
Dr A. Riche, du classique
Manuel d’histologie pathologique
de Cornil et Ranvier (1907).
Il lui est arrivé, à partir d’observations neuropathologiques,
de passer à la neuroanatomie, en particulier pour une contri-
bution à la structure du noyau gustatif chez l’homme (1906),
dans laquelle il individualise le « noyau
fasciculi ovalis
 » de
Nageotte. C’est également à cette période que Nageotte
montra son ingéniosité technique en mettant au point un
microtome pouvant couper des pièces de cerveau humain
de grande taille et qu’il devait modifier en 1909 pour faire des
coupes à congélation, ainsi qu’un type de platine chauffante
... « Il a laissé son nom à la « cellule de
Nageotte » pour le comptage des leucocytes
du liquide céphalo-rachidien »...
pour l’histologie. Il a décrit une méthode de coloration de la
myéline par l’hémalun de Mayer sur coupes à congélation.
Enfin, il a laissé son nom à la « cellule de Nageotte » pour
le comptage des leucocytes du liquide céphalo-rachidien.
n°45
Jean, Nicolas, Denis, Eugène Nageotte est né à Dijon en 1866 et il est mort à
Paris en 1948. Il entreprit ses études de médecine à Besançon pour les terminer à
Paris, où il devient interne des hôpitaux en 1889. Docteur en médecine en 1893,
il fut d’abord chef de travaux anatomiques à la « Clinique des maladies du système
nerveux » de la Salpêtrière, puis médecin-adjoint de l’hôpital de Bicêtre en 1898,
dans le corps des « Médecins aliénistes des hôpitaux de Paris » et enfin répétiteur au
laboratoire d’histologie de l’École pratique des hautes études du Collège de France
(1903-1912). C’est en 1912 qu’il accède à la fois aux fonctions de médecin de la Sal-
pêtrière et de professeur au Collège de France, poste qu’il occupera jusqu’en 1937.
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)
*Cet article est une version courte d’un travail plus long de J.Taxi qui apparaîtra
en 2014 dans l’ouvrage,
Le Cerveau au Microscope
, la Neuroanatomie fran-
çaise aux XIX
e
et XX
e
siècles, Jean-Gaël Barbara & François Clarac, éds., Paris,
Hermann, 2014.
1
Le Tabes est une dégénérescence des cordons postérieurs de la
moelle épinière observée dans la syphilis. Le mot latin tabes signifie
décomposition, atrophie
1,2,3 5,6,7,8,9,10,11,12,13,14,...38
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