Des oscillations 4-Hz impliquées dans le comportement de peur

Par Cyril Herry

Les réponses adaptatives de peur face à des situations traumatisantes ou menaçantes nous aide à échapper à un danger potentiel. Ces réponses de peur peuvent être apprises par le biais d’une association entre un stimulus neutre au départ et la présence d’un facteur stressant (par exemple un danger physique). Cette association très robuste permet la formation d’une trace de mémoire qui persiste pendant des années et génère des modifications structurelles et fonctionnelles dans le cerveau. Cet apprentissage associatif peut se réaliser en une seule fois et chaque exposition ultérieure au stimulus conditionné induit une récupération de la mémoire associative. La mémoire de peur se manifeste au travers d’une large gamme de réponses physiologiques telles qu’une augmentation de la transpiration, des tremblements, ainsi qu’une augmentation du rythme cardiaque. D’un point de vue neuronal, les corrélats physiologiques de ces réponses de peur sont encore largement inconnus.

Au laboratoire, la mémoire de peur est modélisée par la mise en œuvre d’un conditionnement de type Pavlovien au cours duquel un stimulus tel qu’un son est répétitivement associé à un évènement aversif léger comme un choc électrique délivré aux pattes de l’animal. La peur conditionnée de l’animal se manifeste notamment par une réponse conditionnée d’immobilisation appelée freezing. Des décennies de recherche dans le domaine ont permis d’identifier de multiples régions cérébrales impliquées dans le conditionnement auditif de peur, en particulier, le cortex préfrontal médian dorsal (CPFmd) et l’amygdale basolatérale (BLA) qui sont des structures clefs pour l’acquisition et l’expression des réponses conditionnées de peur. Bien que le freezing soit une mesure classique de la peur largement utilisée, les mécanismes neuronaux permettant l’expression de cette réponse comportementale sont encore largement inconnus.

Afin de répondre à cette question, nous nous sommes focalisés dans cette étude sur les processus neurobiologiques associés à cet état comportemental de peur par la mise en oeuvre d’approches comportementales, électrophysiologiques et optogénétiques. Dans cette étude nous mettons en évidence pour la première fois que le comportement de freezing est associé à un état cérébral généré de façon interne qui se manifeste par la mise en œuvre d’oscillations soutenues autour de 4 Hz au niveau du CPFmd et du BLA. De façon intéressante, nous avons observé que cet état oscillatoire prédit le début et la fin des épisodes de freezing et permettait le couplage d’activité neuronale entre le CPFmd et le BLA. Grâce à des analyses causales, nous avons identifié que l’activation des neurones du CPFmd précédait l’activation des neurones de l’amygdale pour chaque cycle de 4 Hz ce qui suggère un rôle clef de ces oscillations préfrontales dans le contrôle de l’expression des réponses conditionnées de peur. Finalement, grâce à la mise en œuvre de manipulation optogénétiques innovantes, nous avons démontré que l’induction artificielle d’oscillations 4 Hz dans le CPFmd était une condition suffisante pour l’induction du comportement de freezing et la synchronisation d’activité neuronale entre le CPFdm et le BLA.

Dans leur ensemble, ces résultats identifient une signature physiologique de la mémoire de peur au sein des circuits préfrontaux-amygdaliens et suggèrent que l’altération des oscillations 4 Hz dans ce circuit pourrait représenter une stratégie thérapeutique potentielle pour les pathologies anxieuses.

Source: “4-Hz oscillations synchronize prefrontal–amygdala circuits during fear behavior”

Karalis N, Dejean C, Chaudun F, Khoder S, Rozeske R, Wurtz H, Bagur S, Benchenane K, Sirota A, Courtin J, Herry C

Nature Neuroscience,  2016  doi:10.1038/nn.4251

 

4Hz

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Oscillations 4 Hz dans le cortex préfrontal au cours du comportement de freezing.

a, Haut, Exemple représentatif  d’oscillation 4 Hz dans le cortex préfrontal au cours du freezing. Bas, Spectrograms représentatifs des potentiels de champs préfrontaux avant et après conditionnement lors de la présentation du son contrôle (CS-) ou du son conditionné (CS+).

b, Spectrogram représentatif des potentiels de champs préfrontaux à une résolution temporelle plus fine lors de la présentation du son contrôle conditionné (CS+) associé à un comportement de freezing.

c-d, Analyse spectrale moyennée mettant en évidence une augmentation des oscillations préfrontales 4 Hz pendant les périodes de freezing et au cours de la récupération des réponses de peur après conditionnement.

de Clémence Fouquet 25.04.2016 à 02h05

L’huntingtine : ses liens avec la Maladie de Huntington et ses fonctions cellulaires normales…

La revue écrite par Sandrine Humbert et Frédérique Saudou dans la revue Neuron présente de manière remarquable les principales découvertes de ces dernières années sur l’huntingtine. Ces deux chercheurs INSERM de l’Institut des Neurosciences de Grenoble, pionniers dans la découverte du rôle central de l’huntingtine dans le transport axonal, le contrôle du métabolisme énergétique et la division cellulaire, soulignent combien cette protéine au-delà de son rôle toxique dans la maladie de Huntington est, par sa biologie complexe, au cœur de nombreuses fonctions du système nerveux. Cette somme impressionnante de connaissances laisse entrevoir l’espoir de mieux comprendre la Maladie de Huntington et par la même identifier à terme une stratégie thérapeutique efficace.

La maladie de Huntington est une maladie neurodégénérative héréditaire dominante touchant des individus jeunes (35 ans en moyenne). La maladie de Huntington est une maladie « rare » (prévalence ~1/10000), mais elle représente en France plus de 6000 patients. Elle est caractérisée par trois types de symptômes : des mouvements involontaires (chorée), des déficits cognitifs, et des atteintes psychiatriques associée à une atrophie cérébrale qui touche de manière précoce le striatum. Le décès des patients survient quinze à vingt ans après que les premiers symptômes soient détectés.  Bien qu’un grand nombre de laboratoires et équipes cliniques en France et dans le monde entier, soutenus par les associations de malades et leurs familles, concentrent leurs efforts de recherche sur la maladie de Huntington, il n’existe à l’heure actuelle aucune thérapie pouvant ralentir l’aggravation inexorable de la maladie.

Les principales caractéristiques héréditaires et neurologiques de la maladie ont  été décrites par une jeune médecin, le Dr George Huntington en 1872. C’est plus d’un siècle plus tard, en 1993, que l’anomalie génétique responsable de la maladie de Huntington a été identifiée. Il s’agit d’une expansion anormale de triplet CAG dans la partie codante du gène de la protéine huntingtine. Comment cette mutation pourrait conduire à la dégénérescence des neurones ? Quelles sont les fonctions biologiques de la protéine huntingtine normale ? Quels mécanismes pourraient expliquer que la mutation qui produit une expansion anormale d’un segment polyglutamine dans l’huntingtine, fragilise préférentiellement les neurones du système nerveux ?  Les chercheurs neurobiologistes et cliniciens ont abordé ces questions cruciales depuis plus de vingt ans. Sandrine Humbert et Frédéric Saudou nous rappellent les principales découvertes liées à ces questions.

L’huntingtine peut être considérée comme une protéine d’échafaudage. Elle est exprimée dans tous les types cellulaires. Plusieurs de ses domaines fonctionnels sont retrouvés dans des organismes très anciens au plan phylogénétique. L’huntingtine possède un nombre impressionnant de partenaires protéiques qui agissent dans des fonctions cellulaires diverses. Depuis plus de 15 ans, plusieurs travaux ont montré son rôle anti-apoptotique, en agissant à divers niveaux de la cellule. Les découvertes récentes sur l’huntingtine normale (sauvage) et la forme mutée ont mis en évidence son implication dans la régulation de la transcription, des moteurs moléculaires du transport axonal, des générateurs locaux d’énergie pour le transport des vésicules, de l’endocytose, de l’orientation du faisceau mitotique et de l’autophagie.

Par ses fonctions variées, l’huntingtine interviendrait ainsi dans divers processus neurobiologiques du cerveau adulte mais également pendant le développement et si son rôle dans la maladie de Huntington est certain, elle pourrait également intervenir indirectement dans d’autres pathologies psychiatriques et neurologiques.

S’il n’existe pas encore de traitement pour bloquer ou retarder l’évolution de la maladie de Huntington, la somme impressionnante des connaissances accumulées depuis la découverte du gène, permet de mieux appréhender la complexité de la biologie de l’huntingtine. Améliorer notre compréhension de cette biologie est un axe de recherche crucial  pour à terme découvrir une thérapie efficace pour la maladie de Huntington.

Référence de l’article : Saudou F, Humbert S. The Biology of Huntingtin. Neuron. 2016, 89:910-26. doi: 10.1016/j.neuron.2016.02.003.

Lien vers l’article : Neuron

Contacts:  Frédéric Saudou & Sandrine Humbert – University Grenoble Alpes, Grenoble Institut des Neurosciences, GIN, 38000 Grenoble, France; INSERM, U1216, 38000 Grenoble, France; CHU Grenoble Alpes, 38000 Grenoble, France.

de Clémence Fouquet 30.03.2016 à 08h14

Suivre des récepteurs membranaires à l’échelle de la molécule unique et en temps réel: enfin possible dans le cerveau !

La communication entre les cellules du cerveau repose grandement sur l’activation de récepteurs aux neurotransmetteurs. Cette voie de communication est essentielle pour la transmission basale et la plasticité des synapses, et son dysfonctionnement serait à la base de maladies neuropsychiatriques, comme la schizophrénie. Comprendre la régulation de ces récepteurs est donc un enjeu majeur en neuroscience fondamentale et clinique. Grâce à un travail interdisciplinaire, une barrière méthodologique vient d’être franchie. En effet, Juan Varela et ses collaborateurs ont réussi à suivre, en temps réel et l’échelle de la molécule unique, des récepteurs aux neurotransmetteurs dans le tissu cérébral intact. Ce travail, publié dans le revue Nature Communications, a permis de démontrer que la dynamique des récepteurs dans un tissu natif est très semblable à celle observée dans des préparations in vitro. La grande dynamique membranaire des récepteurs aux neurotransmetteurs est donc, plus que jamais, un mécanisme central de la communication cérébrale. Les perspectives sont multiples tant pour la compréhension « nanoscopique » de la transmission synaptique in vivo mais aussi de ses dysfonctionnements dans des grandes pathologies neurologiques et psychiatriques.

Contact : Laurent Groc, Directeur Recherche CNRS, Directeur Equipe, IINS – CNRS – Universite de Bordeaux

de Clémence Fouquet 23.03.2016 à 04h45

La différenciation des neurones pyramidaux du cortex cérébral est sous l’influence de modifications épigénétiques postnatales

Le cortex cérébral traite l’information sensorielle de notre environnement en activant les réseaux de neurones excitateurs et inhibiteurs interconnectés les uns avec les autres. Cela permet aux neurones pyramidaux de la couche V d’émettre une réponse motrice nécessaire à l’élaboration de nos émotions et de nos comportements. Ces neurones sont les principaux chefs d’orchestre du cerveau et transmettent des signaux électriques complexes à la moëlle épinière à travers le faisceau pyramidal ou à l’autre hémisphère cérébral grâce au corps calleux. Pendant l’embryogénèse, les régulateurs transcriptionels Ctip2 et Satb2 se répriment réciproquement en permettant le développement des deux populations de neurones pyramidaux, les sous-corticaux et les calleux.

En utilisant différents modèles de souris, nous avons constaté que juste après la naissance, le nombre de neurones pyramidaux qui co-expriment Ctip2 et Satb2 augmente progressivement  dans le cortex somatosensoriel. Ces neurones se distinguent par leurs propriétés moléculaires, morphologiques et électrophysiologiques en deux sous-classes principales, dont chacune communique avec ses cibles sous-corticales ou controlatérales. D’autres recherches que nous avons effectuées ont révélé que la présence du facteur épigénétique Lmo4 modifie structurellement la région d’ADN contenant le gène Ctip2. Ainsi, Satb2 ne peut plus réprimer Ctip2 dans la couche V et la co-expression des deux facteurs Satb2 et Ctip2 est alors favorisée.

Cette étude démontre que l’existence d’une grande variété de neurones pyramidaux dans le cortex cérébral des mammifères est sous le contrôle de mécanismes épigénétiques qui modifient, après la naissance, les processus biologiques nécessaires à la maturation des sous-classes de neurones corticaux. Le principal défi à l’avenir sera de déchiffrer tous les mécanismes de ce type et comprendre leurs fonctions non seulement pendant la formation de circuits neuronaux normaux mais aussi dans des maladies neurodéveloppementales, comme l’autisme ou la schizophrénie.

Référence:

Area-specific development of distinct neocortical neuron subclasses is regulated by postnatal epigenetic modifications

Harb K, Magrinelli E, Nicolas CS, Lukianets N, Frangeul L, Pietri M, Sun T, Sandoz G, Grammont F, Jabaudon D, Studer M, Alfano C.

Elife. 2016 Jan 27;5. pii: e09531. doi: 10.7554/eLife.09531.

Crédit photo : © Harb et al, eLife, 2016

 

de Clémence Fouquet 29.02.2016 à 10h19

Acétylcholine et prise de décision

La curiosité n’est pas un « vilain » défaut chez les souris !

Quand un évènement inattendu surgit, il faut bien souvent agir, même si l’on ne maîtrise pas l’ensemble des conséquences. Selon des chercheurs du laboratoire Neurosciences Paris-Seine (CNRS/UPMC/Inserm)1, les souris se révèlent curieuses en situation d’incertitude : elles privilégient l’exploration de leur environnement afin de mieux l’appréhender. Allant plus loin, les scientifiques ont mis en évidence le rôle primordial joué par l’acétylcholine, un neurotransmetteur, dans la modulation de ces comportements. Ces travaux pourraient permettre de mieux comprendre certaines maladies psychiatriques. Ils ont été publiés le 18 janvier 2016 sur le site de la revue Nature neuroscience.

Lire la suite du communiqué de presse CNRS.

Nicotinic Receptors in the Ventral Tegmental Area promote Uncertainty-Seeking. J. Naudé, S. Tolu, M. Dongelmans, N. Torquet, S. Valverde, G. Rodriguez, S. Pons, U. Maskos, A. Mourot, F. Marti, P. Faure. Nature neuroscience. Mis en ligne le 18 janvier 2016.
DOI: 10.1038/nn.4223

Contacts
Chercheur CNRS – Philippe Faure – Tél. 01 44 27 39 40
Presse CNRS – Priscilla Dacher – Tél. 01 44 96 46 06

 

1 Le laboratoire fait partie de l’Institut de biologie Paris-Seine. Cette équipe a travaillé en collaboration avec une équipe de recherche CNRS/Institut Pasteur.

de Clémence Fouquet 08.02.2016 à 10h35

Schizophrénie: une nouvelle piste dans la compréhension des déficits de mémoire sociale

La schizophrénie est une maladie psychiatrique qui se manifeste très souvent à l’âge adulte. Les symptômes les plus fréquents comprennent une altération des processus sensoriels et cognitifs et une altération profonde de la cognition sociale. Les mécanismes neurobiologiques sous-jacents restent inconnus. L’équipe de Rebecca Piskorowski et Vivien Chevaleyre au laboratoire de Physiologie cérébrale, en collaboration avec un laboratoire américain, a découvert le rôle crucial de certains neurones de l’hippocampe dans ces altérations de mémoire sociale. Ces recherches publiées dans la revue Neuron, ouvrent la voie à de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles.

 

Référence :

Age-dependent specific changes in area CA2 of the hippocampus and social memory deficit in a mouse model of the 22q11.2 deletion syndrome.

Rebecca A. Piskorowski, Kaoutsar Nasrallah, Anastasia Diamantopoulo, Jun Mukai, Sami I. Hassan, Steven A. Siegelbaum, Joseph A. Gogos and Vivien Chevaleyre.

Neuron. Volume 89, Issue 1, p163–176

DOI: http://dx.doi.org/10.1016/j.neuron.2015.11.036

 

Contact chercheurs:
Rebecca Piskorowski, Vivien Chevaleyre
Equipe Plasticité Synaptique et Réseaux Neuronaux
Laboratoire de Physiologie cérébrale
CNRS UMR8118, Université Paris Descartes,
45 rue des Saints Pères
75006 Paris

 

Communiqués de presse :

CNRS

COLUMBIA

 

Crédit photo : © Rebecca Piskorowski, Vivien Chevaleyre

de Clémence Fouquet 19.01.2016 à 04h19

Troubles de l’autisme: connexions défaillantes mise en cause

Des chercheurs du Neurocentre Magendie (Inserm/Université de Bordeaux) viennent de montrer comment les connexions altérées entre cellules du système nerveux étaient impliquées dans le syndrome de l’X fragile, responsable de troubles du spectre autistique. A l’aide de l’IRM, Andreas Frick, chargé de recherche Inserm, et son équipe ont en effet observé, sur une souris modèle de ce syndrome, une altération des connexions et de la communication entre différentes zones du cerveau. Ces nouvelles données sont susceptibles d’expliquer certains symptômes des troubles du spectre autistique, tels que l’hypersensibilité aux informations sensorielles ou les altérations de la perception visuelle.

 

Lire la suite  :

Communiqué de presse de l’INSERM

 

Le détail de ces travaux est publié dans la revue Science Advances : Sci Adv. 2015 Nov 20;1(10):e1500775

de Clémence Fouquet 18.01.2016 à 10h41

Localisation ultrasonore ultrarapide (uULM) : Une révolution pour l’imagerie cérébrale

Les capillaires sanguins jouent un rôle majeur pour le fonctionnement du cerveau. L’équipe de Mickael Tanter (ESPCI/Inserm/CNRS) rapporte dans la revue Nature comment il est possible de les observer chez le rat avec une résolution temporelle hors du commun à l’échelle microscopique grâce à une nouvelle méthode utilisant les ultrasons ultrarapides. La microscopie par localisation ultrasonore ultrarapide (uULM) représente une avancée cruciale pour aider la communauté des Neurosciences à mieux appréhender comment le système vasculaire collabore au fonctionnement normal du système nerveux et possiblement comment ses dysfonctionnements pourraient intervenir dans les maladies neurologiques.

Référence :

Ultrafast ultrasound localization microscopy for deep super-resolution vascular imaging.

Errico C, Pierre J, Pezet S, Desailly Y, Lenkei Z, Couture O, Tanter M.

Nature. 2015 Nov 26;527(7579):499-502. doi: 10.1038/nature16066.

 

Lien communiqué de presse ESPCI

Source image : ESPCI/Inserm/CNRS

de Clémence Fouquet 08.12.2015 à 05h37

Syndrome de Gilles de la Tourette : Les tics sont-ils une mauvaise habitude ?

Les tics sont les manifestations principales du syndrome de Gilles de la Tourette. La cause de leur survenue et de leur persistance demeure en grande partie un mystère. Des chercheurs viennent de démontrer que les patients atteints d’un syndrome de Gilles de la Tourette forment davantage de comportements habituels que des sujets sains du même âge. Les tics pourraient ainsi être, au moins en partie, des actions apprises, qui se répètent à la manière de « mauvaises habitudes ». Ce travail est le fruit d’une collaboration entre des équipes de l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière, de l’Ecole Normale Supérieure, de l’Université d’Amsterdam et de l’Université de Cambridge. L’article a été publié le 22 octobre dans la revue Brain.
Le syndrome de Gilles de la Tourette est caractérisé par l’association de tics moteurs et vocaux. Les tics sont des fragments de comportements finalisés, par exemple des clignements d’yeux,qui sont effectués de façon répétée et inappropriée. En ce sens, les tics ressemblent à des mauvaises habitudes : des comportements routiniers qui sont effectués de manière automatique dans certaines situations malgré des conséquences négatives pour le sujet, comme par exemple se ronger les ongles.
La dopamine est un neurotransmetteur impliqué dans les circuits de la récompense et qui favorise la formation de comportements habituels. Des réseaux neuronaux entre des régions sensorimotrices du cortex cérébral et des structures profondes du cerveau, les ganglions de la base, sont impliqués dans la genèse des habitudes. Des anomalies de ces mêmes structures, et une augmentation de la transmission dopaminergique ont été précédemment démontrées dans le syndrome de Gilles de la Tourette.
Dans l’étude, des patients atteints d’un syndrome de Gilles de la Tourette et des sujets sains ont été invités à réaliser un jeu informatique qui teste la formation des habitudes. Dans ce jeu, des images (stimuli) sont montrées successivement au sujet, qui doit apprendre au fil des essais sur quelle touche du clavier appuyer pour un stimulus donné. Cet apprentissage cherche à former chez le sujet une association entre chaque stimulus et la réponse qui lui est associée. Cet apprentissage est ensuite « dévalué » : on explique au sujet que certaines des réponses ne doivent plus être effectuées quand le stimulus associé est présenté. Des réponses qui persistent malgré la dévaluation sont considérées comme des réponses habituelles. Les résultats ont montré que les patients atteints d’un syndrome de Gilles de la Tourette font davantage de réponses habituelles que les sujets sains. Les patients traités par des médicaments inhibant la dopamine ont moins de réponses habituelles que les patients non traités. Une IRM cérébrale étudiant la connectivité entre différentes régions cérébrales a confirmé l’implication de réseaux neuronaux reliant le cortex moteur et les ganglions de la base dans la formation des habitudes chez les patients atteints d’un syndrome de Gilles de la Tourette.
Ces résultats nous éclairent sur les mécanismes à la base de la formation et de la persistance des tics, qui pourraient être en partie des comportements appris qui persistent de la même manière que des mauvaises habitudes.Des altérations des réseaux neuronaux connectant le cortex et les ganglions de la base, et une transmission dopaminergique accrue pourraient expliquer l’exacerbation de ces comportements habituels chez les patients avec un syndrome de Gilles de la Tourette. Ces résultats ont également des implications thérapeutiques intéressantes. En effet, les thérapies cognitivo-comportementales, qui sont un traitement reconnu dans le syndrome de Gilles de la Tourette, pourraient cibler spécifiquement cet apprentissage habituel anormal.

 

Référence :
Delorme C, Salvador A, Valabrègue R, Roze E, Palminteri S, Vidailhet M, et al.
Enhanced habit formation in Gilles de la Tourette syndrome.
Brain 2015: DOI: https://academic.oup.com/brain/article/139/2/605/1753685

de Clémence Fouquet 25.11.2015 à 11h30

Nouvelle cible pour la DMLA et la rétinopathie diabétique

Les maladies vasoprolifératives oculaires sont les principales sources de cécité dans le monde et touchent des millions de personnes. Ainsi, une croissance anormale des vaisseaux sanguins est observée dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA exsudative), la rétinopathie diabétique et la rétinopathie de la prématurité.

Depuis plusieurs années, diverses protéines nécessaires au développement normal ou pathologique des vaisseaux ont été isolées, dont le facteur de croissance vasculaire endothélial (VEGF). L’injection intra-oculaire d’inhibiteurs du VEGF ou de ses récepteurs (Avastin, Lucentis…) est actuellement utilisée en clinique pour traiter la DMLA. Toutefois, certains patients ne répondent pas au traitement et d’autres y deviennent résistants. L’identification de nouveaux facteurs angiogéniques est donc primordiale à la mise au point d’approches thérapeutiques innovantes.

L’équipe dirigée par Alain Chédotal (Institut de la Vision, INSERM, CNRS, UPMC, Paris) en collaboration avec celle d’Anne Eichmann (Collège de France et Université de Yale) vient de découvrir qu’une protéine sécrétée, Slit2, et ses récepteurs, Robo1 et Robo2, favorisent la croissance vasculaire normale et pathologique en stimulant la migration des cellules endothéliales rétiniennes. Ce couple ligand/récepteur était déjà connu pour son rôle essentiel dans le développement des connexions neuronales.

L’utilisation de modèles murins a montré que l’inactivation de l’expression de Slit2 ou de Robo1/Robo2 inhibe le développement de la vascularisation rétinienne. De plus, l’inhibition de Slit2 permet de bloquer le développement de néo-vaisseaux dans un modèle de rétinopathie de la prématurité. L’étude a aussi montré que la fixation de Slit2 sur ses récepteurs induit la phosphorylation d’un récepteur au VEGF (VEGFR2) et l’activation de RAC1, une petit protéine G, révélant ainsi un lien inédit entre ces deux voies de signalisation. Ce travail suggère que des molécules ciblant le complexe Slit2/Robo pourraient permettre de bloquer la croissance anormale des vaisseaux, dans les pathologies oculaires mais aussi les cancers.

Référence:

Slit2 signaling through Robo1 and Robo2 is required for retinal neovascularization.

Rama N, Dubrac A, Mathivet T, Ní Chárthaigh RA, Genet G, Cristofaro B, Pibouin-Fragner L, Ma L, Eichmann A, Chédotal A.

Nature Medicine 2015 May;21(5):483-91. doi: 10.1038/nm.3849.

Source : communiqué de presse de l’INSERM
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de Clémence Fouquet 16.11.2015 à 06h43