Expression enrichie des gènes de l’obésité dans des régions cérébrales clefs de l’addiction et de la récompense

L’obésité, qui est une maladie multifactorielle d’origine génétique et environnementale, est un enjeu majeur de santé publique dont la prévalence dans le monde a doublé pendant les 30 dernières années. Contrairement aux idées reçues, la composante génétique de l’obésité est très importante : en effet, les études réalisées à partir de familles, de jumeaux et d’enfants adoptés, ont permis d’évaluer une héritabilité élevée de la maladie, estimée autour de 70%.

Depuis 2007, les études d’association pangénomique (GWAS), basées sur l’utilisation de puces à ADN permettant de tester des centaines de milliers de variants fréquents dans la population générale, ont permis d’identifier plusieurs centaines de variants de l’ADN significativement associés à une augmentation de l’indice de masse corporelle ou du risque d’obésité. En d’autres termes, il a été démontré (et confirmé) que ces variants de l’ADN sont significativement plus fréquents chez les sujets obèses que chez les sujets normopondéraux. Cependant, malgré ce succès, les avancées physiopathologiques émanant de ces études GWAS ont été très décevantes. Ce constat est principalement lié au fait que ces variants de l’ADN ont un effet faible sur le risque de maladie. Par conséquent, il a été très complexe de d’évaluer leurs effets fonctionnels dans des modèles in vitro ou in vivo.

La grande majorité des variants identifiés par les études GWAS étant situés dans des zones intergéniques de l’ADN, nous avons au laboratoire analysé l’expression des gènes les plus proches des signaux d’association dans une grande variété de tissus humains (incluant plusieurs régions cérébrales), via une technologie permettant un comptage direct des ARN messagers sans aucune étape d’amplification évitant des biais. Nous avons trouvé que l’expression de ces gènes était très significativement enrichie dans la substance noire et l’insula, c’est-à-dire deux régions cérébrales impliquées dans les phénomènes de récompense et d’addiction. De plus, dans la cohorte issue de la population générale française D.E.S.I.R., nous avons démontré que les variants de l’ADN dont l’expression des gènes en proxy montrait le plus fort enrichissement dans la substance noire et l’insula, étaient au final les plus associés à une augmentation de l’indice de masse corporelle.

Par cette étude, nous montrons que la composante génétique humaine de l’obésité s’exprime avant tout dans des zones cérébrales ayant un rôle clef dans les phénomènes d’addiction et de récompense. Ce résultat se démarque très nettement des formes rares et sévères d’obésité monogénique, dont les gènes (par exemple MC4R, LEP, LEPR, POMC, SIM1, PCSK1, ADCY3, NTRK2, BDNF, SH2B1) jouent un rôle majeur dans la satiété et dans différentes voies neuro-endocrines, avec parfois un rôle dans le développement cérébral (comme SIM1). Nos résultats permettent d’envisager différemment la prise en charge des patients obèses : en effet, il faudrait inclure une prise en charge comportementale pour lutter contre l’addiction, et éviter les régimes restrictifs qui alimenteraient un sentiment de manque.

 

Référence :

Ndiaye FK, Huyvaert M, Ortalli A, Canouil M, Lecoeur C, Verbanck M, Lobbens S, Khamis A, Marselli L, Marchetti P, Kerr-Conte J, Pattou F, Marre M, Roussel R, Balkau B, Froguel P, Bonnefond A. The expression of genes in top obesity-associated loci is enriched in insula and substantia nigra brain regions involved in addiction and reward. Int J Obes (Lond). 2020 Feb;44(2):539-543. doi: 10.1038/s41366-019-0428-7. Epub 2019 Aug 6. PubMed PMID: 31388097; PubMed Central PMCID: PMC7002163.

 

Contact: Amélie Bonnefond

CNRS UMR 8199, European Genomic Institute for Diabetes (EGID)
Institut Pasteur de Lille, Université de Lille

 

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