Un nouvel acteur impliqué dans les troubles de la mémoire et de l’anxiété

Dans de nombreuses pathologies et maladies neurodégénératives, une augmentation d’une protéine appelée P2X4 est observée à la surface de cellules mais son rôle restait méconnu. L le groupe d’Eric Boué-Grabot, à l’IMN de Bordeaux a créé une souris qui permet d’augmenter le nombre de P2X4 à la surface de cellules afin de mimer la situation pathologique et en collaboration avec plusieurs équipes les chercheurs révèlent dans un travail publié dans Molecular Psychiatry, que le nombre accru de cette protéine dans les neurones crée une activité anormale dans le cerveau provoquant des troubles de la mémoire et une diminution de l’anxiété.

La “molécule de l’énergie” des cellules, l’ATP, est aussi libérée à l’extérieur des cellules et sert de messager entre les cellules. La protéine P2X4, récepteur de l’ATP, est exprimée dans de nombreuses cellules à travers tout l’organisme et plus particulièrement dans les neurones et les cellules gliales du cerveau. Cette protéine faiblement présente à la surface des cellules en conditions normales se révèle plus abondante chez certains neurones et/ou cellules gliales dans les maladies neurodégénératives telles que les maladies d’Alzheimer, de Charcot ou la sclérose en plaque mais aussi dans les douleurs chroniques et d’autres pathologies comme celles liées à la consommation d’alcool. Cette augmentation est aussi observée dans d’autres cellules de l’organisme en particulier dans des conditions inflammatoires comme l’asthme ou l’arthrose rhumatoïde suggérant que le récepteur P2X4 pourrait être un acteur-clé de nombreuses pathologies et par conséquent une cible thérapeutique potentielle.

Afin d’appréhender les rôles du récepteur P2X4, le groupe d’Eric Boué-Grabot, à l’IMN de Bordeaux a développé avec l’aide de la Clinique de la souris de Strasbourg a développé une lignée de souris permettant d’augmenter spécifiquement le nombre des récepteurs P2X4 à la surface de certaines cellules. Les résultats publiés dans le journal Molecular Psychiatry qui résultent d’une collaboration avec plusieurs équipes françaises CNRS et Inserm et des chercheurs de l’institut d’immunologie de Hambourg et du Neuro de l’université McGill de Montréal montrent que l’augmentation du nombre de récepteurs P2X4 à la surface des neurones dans une structure du cerveau (l’hippocampe) impliquée dans la mémoire et l’apprentissage provoque des déficits mnésiques ainsi qu’une diminution de l’anxiété des souris. Ils démontrent aussi que la présence accrue de ces récepteurs altère les processus cellulaires à la base de la mémoire. Ces travaux suggèrent que l’augmentation des récepteurs P2X4 à la surface de neurones observée dans la maladie d’Alzheimer pourrait contribuer aux déficits mnésiques et représenter ainsi une piste thérapeutique potentielle dans les maladies neuropsychiatriques.

Cette étude révèle aussi tout le potentiel de ce nouveau modèle murin car la modification génétique du récepteur P2X4 permet de visualiser directement l’augmentation du nombre de récepteurs P2X4 en situation pathologique. Ces souris devraient permettre dans le futur d’élucider le rôle de ces récepteurs dans différents modèles de pathologies non seulement du cerveau mais aussi du poumon, du cœur, ou lors d’infection et d’inflammation, situations pour lesquelles le nombre de ce récepteur augmente dans des cellules spécialisées.

 

Pour en savoir plus:

Increased surface P2X4 receptor regulates anxiety and memory in P2X4 internalization-defective knock-in mice.

Bertin E, Deluc T, Pilch KS, Martinez A, Pougnet JT, Doudnikoff E, Allain AE, Bergmann P, Russeau M, Toulmé E, Bezard E, Koch-Nolte F, Séguéla P, Lévi S, Bontempi B, Georges F, Bertrand SS, Nicole O, Boué-Grabot E.

Mol Psychiatry. 2020 Jan 8. doi: 10.1038/s41380-019-0641-8. [Epub ahead of print]

 

Contact chercheur: Eric Boué-Grabot ; Directeur de recherche CNRS

Institut des Maladies Neurodégénératives (IMN)(CNRS/Université de Bordeaux), Centre Broca Nouvelle Aquitaine

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