Communiqué du comité de coordination de l’Assemblée des Directeurs de Laboratoires (ADL) à propos de la nouvelle grille d’évaluation du HCERES

L’HCERES a rendu public le référentiel d’évaluation de la vague C pour les unités de recherche [1]. Ce référentiel conduit à une intensification de la logique bureaucratique, à une extension du pilotage de la recherche par des objectifs d’« excellence » et à une disparition de la collégialité de l’évaluation au profit de la production automatique de rapports formatés selon des critères qui ne sont pas les nôtres.

En rupture radicale avec les pratiques de ces dernières années, le référentiel concernant les unités de recherche occulte toute référence au projet scientifique et aux axes de recherche de l’unité. Au lieu de permettre une réflexion sur le projet scientifique, dans la perspective d’un accompagnement de sa mise en oeuvre par les pairs et d’une éventuelle discussion des difficultés rencontrées (par exemple en cas de ressources insuffisantes ou d’absence d’un soutien suffisant de la part des tutelles), la rédaction du rapport devient un exercice chronophage de jonglage avec de multiples indicateurs inutiles et de manipulation d’éléments de langage visant à produire l’image d’excellence attendue. L’évaluation se transforme quant à elle en un monstrueux contrôle de l’utilisation des moyens accordés et de conformité réglementaire ou normative, tout en favorisant le jeu de concurrence néfaste entre unités.

Ce référentiel d’évaluation a été voté par le collège du HCERES sans que la communauté scientifique ait été associée de quelque façon que ce soit à son élaboration, conformément aux pratiques délétères de cette agence, que l’ADL, avec toute la communauté scientifique, a déjà dénoncées [2]. Il s’inscrit même à contre-courant des pratiques aujourd’hui prônées à l’international, et en cours d’adoption par les principaux acteurs de la recherche en France [3]. Le Directeur général délégué à la science du CNRS déclarait récemment : « Un comité de vingt experts est plus juste qu’un tableur ! » [4]. Au HCERES, on persiste à penser qu’un tableur suffit à connaître ce qui fait la valeur de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Dans ces conditions, l’ADL engage vivement les collègues sollicités pour être experts à refuser de participer à des évaluations qui se serviraient de ce référentiel ou à démissionner s’ils avaient accepté de participer à ces évaluations.

L’ADL appelle également les collègues concernés par la vague C à ne pas remplir les fiches Excel demandées par le HCERES, mais à renvoyer aux bases de données qui contiennent déjà toutes les informations demandées (HAL, ADUM, GESLAB). Une proposition de message en ce sens vous sera proposée prochainement.

Enfin, l’ADL propose de contribuer à repenser l’évaluation scientifique, par la production d’une réflexion alternative qui serait adaptée aux pratiques et aux besoins des unités de recherche. Les collègues volontaires pour participer à son élaboration peuvent écrire à l’adresse suivante : assemblee.dirlabo@gmail.com

L’ADL reviendra vers vous aussitôt que possible.

Bien cordialement,

Pour l’ADL, le comité de coordination

[1] Ainsi que pour les formations et établissements d’enseignement supérieur :
https://www.hceres.fr/sites/default/files/media/downloads/referentiel-devaluation-des-ur_vaguec_2022-2023.pdf
[2] Voir notre « Appel à désavouer l’HCERES », 18 décembre 2020 :
https://twitter.com/adirlabos/status/1339688014935691264
[3] Comme en témoigne l’axe « Transformer les pratiques pour faire de la science ouverte le principe par défaut » du 2e Plan national pour la science ouverte, p. 21 : « Dans l’esprit de la Déclaration de San Francisco sur
l’évaluation de la recherche (DORA) et du Manifeste de Leiden pour la mesure de la recherche, cela implique de réduire la dimension quantitative au profit d’une approche plus qualitative, de prendre en compte, au-delà des
publications, la pluralité des résultats de la recherche, de faire un usage raisonné des indicateurs et de récompenser la coopération et l’ouverture plus que la compétition et le secret. »
https://www.ouvrirlascience.fr/deuxieme-plan-national-pour-la-science-ouverte/
[4] Cité par David Larousserie, « Chambardements dans l’évaluation des scientifiques », Le Monde, 23 novembre 2021.
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/11/23/chambardements-dans-l-evaluation-des-scientifiques_6103279_1650684.html