Bien que découverte grâce à ses propriétés de barrière, le rôle de la barrière hémato-encéphalique, littéralement, la barrière entre le sang et le cerveau, ne peut se résumer à ses propriétés restrictives décrites pour protéger le SNC. Localisée au niveau des capillaires cérébraux, elle constitue une immense surface d’échanges au service du fonctionnement cérébral. Ce dossier aborde les aspects « barrière » et « échanges » qui, intimement liés, relatent des multiples facettes de la BHE.
La première partie de ce dossier met en avant les propriétés de « barrière » qui, comme décrit dans le premier article, se mettent en place lors du stade fœtal, illustrant leurs importances dès les premiers stades du développement cérébral. Jean-François Ghersi-Egea, Amel Amara, Nathalie Strazielle, décrivent le développement de la BHE et des plexus choroïdes (autre interface sang/cerveau) au regard du développement pré et post natal du SCN. Cet article met en exergue l’adaptation des interfaces sang/cerveau aux besoins spécifiques des cellules neurales aux différents stades de développement. Bien que mise en place très précocement, « l’étanchéité » de la BHE n’en est pas moins importante durant toute notre vie ; en témoignent les conséquences de son altération lors du vieillissement, mais aussi dans certains contextes pathologiques. Ainsi, Nicola Marchi, dans le deuxième article, nous décrit les modifications structurales et fonctionnelles de la BHE au fil du temps et leurs impacts sur le fonctionnement cérébral. Puis, dans le troisième article, Vincent Bérésowski aborde l’augmentation de la perméabilité de la BHE lors d’accidents vasculaires cérébraux et sa participation à la formation d’un œdème cérébral, replaçant la BHE dans un contexte pathologique général. Paradoxalement, si le maintien de l’intégrité de la BHE reste la préoccupation majeure des différents axes de recherche, l’investigation des moyens d’augmenter la perméabilité de celle-ci est aussi indispensable ; ceci est le thème abordé par Benoît Delatour, Alexandre Carpentier et Amandine Géraudie qui décrivent le moyen « d’ouvrir » temporellement la BHE pour faire pénétrer des molécules à visée thérapeutique et ainsi améliorer la pharmacocinétique cérébrale des drogues dans le traitement de la maladie d’Alzheimer.
Dans la deuxième partie du dossier, les articles se focalisent sur la surface d’échanges qu’offre la BHE pour permettre la communication entre la périphérie et le SNC. Ils remettent au centre le rôle « vasculaire » de la BHE qui allie d’un côté l’apport des nutriments et des signaux périphériques aux cellules nerveuses et de l’autre l’élimination des déchets cérébraux. D’un point de vue physiologique, Bénédicte Dehouck décrit le rôle de l’endothélium cérébral et de l’unité glio-vasculaire qu’il forme avec les astrocytes et les tanycytes, dans le transport des signaux métaboliques jusqu’aux neurones impliqués dans la régulation du métabolisme énergétique. D’un point de vue pathologique, Lidia Cabeza, Guillaume Benhora-chabeaux, Adeline Etievant et Fanchon Bourasset, nous décrivent l’altération de l’unité neurovasculaire que forme la BHE avec les neurones qu’elle seconde, dans la maladie d’Alzheimer. Cet article montre l’importance des échanges bidirectionnels (influx et efflux) que permet la BHE, dans le maintien du fonctionnement cérébral.
L’étude de la BHE, de sa structure, de son rôle et de sa régulation a été permis grâce à des approches complémentaires effectuées in vivo et in vitro. Dans la troisième partie de ce dossier, Audrey Chagnot et Axel Montagne décrivent une approche d’imagerie qui permet « l’auscultation » de la BHE et l’évaluation de son intégrité in vivo. Fait suite un article de Coraly Simoës Da Gama, Ambre Prouveau et Mélanie Morin-Brureau qui fait le point sur les différents modèles in vitro. Les auteurs décrivent l’évolution des modèles qui émane d’une incroyable inventivité pour reconstruire et donc étudier la complexité de la BHE. L’utilisation de ces modèles est ensuite illustrée dans le contexte de l’épilepsie où l’altération de la BHE est établie comme une conséquence mais aussi dans la récurrence des crises. L’épilepsie est associée à une modification de la perméabilité de l’endothélium cérébral, mais aussi à l’altération des échanges au travers de la BHE. Ce dernier article fait référence aux deux premières parties de ce dossier, qui, vous l’aurez compris n’est qu’un aperçu des multiples « états » de la BHE.
Bonne lecture…